Le Sénat à majorité de droite a adopté vendredi soir en première lecture, après l'avoir amendé, le projet de loi d'"urgence" en soutien au pouvoir d'achat, premier volet du paquet de mesures pour faire face à l'inflation qui a franchi la barre de 6%. Le texte a été adopté à main levée, grâce aux voix notamment des groupes LR, centriste et RDPI à majorité En Marche, au terme de deux jours de débats globalement sereins, contrastant avec la discussion chaotique qui a prévalu à l'Assemblée nationale.
Une adoption définitive le 7 août ?
Dès lundi, les sénateurs se lanceront dans le budget rectificatif (PLFR) pour 2022, l'hypothèse d'une taxe sur les "superprofits", portée notamment par les centristes, risquant de tendre les débats.
Le même jour, députés et sénateurs se réuniront en commission mixte paritaire pour tenter de s'accorder sur une version commune du projet de loi pouvoir d'achat, le gouvernement tablant sur une adoption définitive des deux textes au plus tard le 7 août. "Les choses ne sont pas écrites d'avance", a mis en garde Philippe Mouiller (LR), soulignant que le Sénat aurait "des lignes rouges".
Combattre l'inflation
Le premier texte est calibré à 20,7 milliards par Bruno Le Maire, le second ouvre 44 milliards d'euros de crédits, dont 9,7 pour financer la renationalisation à 100% d'EDF. "L'inflation reste notre sujet de préoccupation numéro un. Mais nous anticipons une baisse" en 2023, a déclaré Bruno Le Maire à l'issue du Conseil des ministres, alors que l'Insee a publié vendredi une première estimation pour juillet de l'indice des prix à la consommation (+6,1% sur un an après +5,8% en juin).
Le Sénat a donné, avec le soutien du gouvernement, un coup de pouce aux commerçants. Il a adopté un amendement de l'ex-ministre Jean-Baptiste Lemoyne (RDPI) pour plafonner à 3,5% la hausse des loyers commerciaux des PME pendant un an. Les sénateurs avaient auparavant approuvé le "bouclier loyer" pour les particuliers qui prévoit également un plafonnement à 3,5% de juillet 2022 à juin 2023.
Le Sénat a voté la poursuite jusqu'au 31 décembre 2023 de la "prime Macron", avec un plafond porté à 3.000 euros ou 6.000 euros en cas d'accord d'intéressement. Mais il a réservé aux seules entreprises de moins de 50 salariés la pérennisation, à partir de 2024, d'une prime exonérée de cotisations sociales.
"Valoriser le travail"
Malgré un vif débat sur la revalorisation du RSA, il a aussi acté une augmentation de 4% des pensions de retraite et plusieurs allocations (familiales, minima sociaux) avec effet rétroactif au 1er juillet 2022, ainsi que la déconjugalisation de l'allocation adultes handicapés (AAH).
Pour "valoriser le travail", les sénateurs ont en outre créé une réduction de cotisations patronales, au titre des heures supplémentaires, prévu la possibilité d'un déblocage anticipé de l'épargne salariale et assoupli les règles d'utilisation des titres-restaurants.
"Mieux anticiper"
Sur le volet énergie, plusieurs sénateurs ont souligné la nécessité de mieux "anticiper". "Soyons attentifs à nos décisions, la transition énergétique n'est plus comprise par nos concitoyens", a mis en garde René-Paul Savary (LR), au moment, a-t-il dit, où Emmanuel Macron fait les "yeux doux au prince" hériter saoudien Mohammed ben Salmane pour "importer son pétrole".
La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a mentionné pour la "rentrée" parlementaire d'octobre le projet de loi "d'accélération de la transition énergétique", évoqué depuis plusieurs semaines pour simplifier le développement des énergies renouvelables, éoliens et solaires. "A priori le Sénat serait le premier" à l'examiner, a-t-elle glissé.
Via un amendement du socialiste Franck Montaugé, les sénateurs ont limité à deux ans au lieu de cinq la durée des dispositifs exceptionnels pour l'approvisionnement de la France en gaz, contre la volonté du gouvernement.
Des désaccord entre LR et la Nupes
Ils ont aussi voté un amendement du chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau demandant au gouvernement un rapport "visant à mettre en place", via un boitier intelligent, un dispositif volontaire et rémunéré de réduction des consommations d’électricité pour les particuliers.
Les groupes écologistes et CRCE à majorité communiste ont voté contre le texte, qui peut selon Fabien Gay (CRCE) "se résumer par le mot évitement", en particulier "pour que l'augmentation du salaire ne vienne pas sur la table". Les socialistes se sont abstenus "pour dire aux Français 'vous pouvez compter sur nous pour vous défendre", a dit leur chef de file Patrick Kanner.
"Nous devons voter en responsabilité", a plaidé le centriste Jean-Pierre Moga, pour qui "soutenir nos concitoyens les plus modestes est une nécessité autant qu'un impératif".