Législatives à Evry : l’imbroglio Valls en cinq questions

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C'est un Manuel Valls très tendu qui a annoncé sa courte victoire dimanche soir à la mairie d'Evry. Sous les protestations des soutiens de Farida Amrani de la France Insoumise. © Guillaume BONNET / AFP
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La très courte victoire de l’ex-Premier ministre en Essonne est contestée par son adversaire. Qui ne pourra normalement pas recompter les voix, mais déposera un recours. 

L’affaire Valls ne fait probablement que commencer. Après un épisode très tendu dimanche soir à la mairie d’Evry, au cours duquel l’ancien Premier ministre et son adversaire de La France insoumise Farida Amrani ont tour à tour revendiqué la victoire, elle se poursuit lundi matin, au lendemain du second tour des législatives. La candidate a annoncé qu’elle se rendait en préfecture pour recompter les bulletins, alors que Manuel Valls, de son côté, s’est rendu à l’Assemblée pour y prendre ses quartiers. L’imbroglio demeure, donc, et de nombreuses questions se posent. Eléments de réponse.

  • Qui est officiellement député ?

Théoriquement, c’est Manuel Valls. Sa victoire a été publiée sur le site du ministère de l’Intérieur, et n’a pas besoin d’être proclamée par le Conseil constitutionnel pour être officielle. L'ancien Premier ministre l'aurait emporté avec 50,3% des suffrages, soit une avance de 139 voix seulement. 

résultats valls

 

D’ailleurs, l’ancien Premier ministre a décidé de se rendre dès lundi matin à l’Assemblée national pour y débuter son installation et aller chercher sa mallette. Très tendu, il a sèchement répondu aux journalistes. "Mais enfin, j’ai été élu. Pourquoi je devrais attendre ?", s’est-il agacé. "Comment pouvez-vous remettre en cause mon élection ? Il y a eu d’autres élections serrées hier, vous leur posez la question ?", a encore lancé l'ex-Premier ministre, visiblement remonté contre la presse : "Je me suis passé de vous pendant cette période, je continuerai".

  • Que conteste Farida Amrani ?

Les litiges invoqués par l'équipe de Farida Amrani portent sur quatre bureaux d'Évry, dont "un où on a un gros soupçon", a précisé la candidate lundi matin devant la préfecture de l’Essonne, où elle s’est rendue pour recompter les voix. "Comme par hasard, les résultats de ces bureaux sont tombés en dernier", a-t-elle souligné, évoquant "une tentative" de triche dans un cinquième bureau, sans préciser lequel.

Farida Amrani avait précisé que dans les bureaux litigieux, elle n’avait pas d’assesseurs. "Dans les bureaux où on n'avait pas d'assesseurs parce qu'on n'avait pas assez de militants, comme par hasard, sur ces bureaux-là, il y a une marge énorme", a dénoncé la candidate, qui a aussi précisé avoir demandé dès vendredi à Amnesty de venir en observateur dans lesdits bureaux. Sans être entendue. 

  • Farida Amrani peut-elle recompter les voix ?

C’est son intention, mais c’est plus compliqué que cela. "On nous a interdit de faire recompter les bulletins hier soir (dimanche soir) en mairie, alors on va le faire en préfecture", a expliqué Farida Amrani peu après 9 heures, devant la préfecture de l’Essonne.  Pas sûr toutefois qu’elle puisse le faire. Car le Code électoral, à l’article R68, précise bien que les bulletins autres que (les blancs et nuls) sont détruits en présence des électeurs. Donc le soir même. Selon des membres de l’équipe de la candidate de La France insoumise, il leur a d’ailleurs été répondu dimanche soir que les bulletins avaient été déchirés.

Cela dit, le site vie-publique.fr, qui dépend de l’Etat, précise qu’"en prévision d’une éventuelle contestation et d’un contentieux devant le juge de l’élection, les bulletins ne sont pas immédiatement détruits." Une incertitude demeure donc, que le Conseil constitutionnel, contacté, n’est pas encore en mesure de lever. Si les bulletins ont bel et bien été détruits, le camp de Farida Amrani ne pourra s’appuyer que sur les procès-verbaux de dépouillement de chaque bureau de vote. Ce qui devrait en toute logique aboutir au même résultat.

  • Le recours peut-il aboutir ?

Ce n’est évidemment pas impossible, même si cela reste rare. Depuis 1958, environ 70 recours ont abouti à une élection de l’annulation, et donc à un nouveau scrutin législatif, dit partiel. En revanche, jamais le Conseil constitutionnel n’a désigné un autre vainqueur, comme il peut pourtant le faire. "Le Conseil constitutionnel peut soit rejeter la contestation et valider l'élection, soit prononcer l'annulation de l'élection, soit réformer les résultats et proclamer élu un autre candidat (ce qu'il n'a jamais fait à ce jour)", écrit la juridiction suprême sur son site internet.

L'enquête des Sages consiste en une procédure contradictoire. Les candidats concernés doivent donc envoyer leurs arguments rue de Montpensier, au siège du Conseil constitutionnel. La juridiction peut aussi décider d'entendre les deux parties.

  • Et en attendant ?

En attendant, Manuel Valls reste député. "La requête formée contre l'élection d'un député n'a pas d'effet suspensif", précise en effet le Conseil constitutionnel. "Tant qu'une décision d'annulation des opérations électorales n'est pas rendue, la personne proclamée élue continue d'exercer son mandat de député." En clair, l’ancien Premier ministre va pouvoir siéger à l’Assemblée pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. D’autant que Les Sages ne sont pas contraints en termes de délai pour rendre leur décision. Selon Franceinfo, ils ont mis de quatre à six mois pour se prononcer sur les 108 recours déposés en 2012. De quoi largement, pour Manuel Valls, s’installer et se faire une place dans l’Hémicycle. 

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