Jean Castex : "On ne peut pas tout attendre de l'État"

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Europe 1 avec Jean-Rémi Baudot et AFP , modifié à
Édouard Philippe a souhaité "beaucoup de réussite" à son successeur Jean Castex, vendredi en fin d'après-midi lors de la passation de pouvoir à Matignon. Le nouveau Premier ministre a accordé sa première interview au journal télévisé de 20h de TF1.  
L'ESSENTIEL

Emmanuel Macron a décidé vendredi de remplacer Édouard Philippe au poste de Premier ministre par Jean Castex, quasi inconnu du grand public jusqu'ici. L'annonce a été faite peu avant 13 heures par l'Elysée, signe que le président de la République entend faire appliquer le "nouveau chemin" qu'il a annoncé pour la fin de son quinquennat. Jean Castex, issu de la droite (LR), comme son prédécesseur, était depuis début avril chargé du déconfinement au sein du gouvernement.

Édouard Philippe a souhaité "bon vent" à son successeur en fin d'après-midi, lors de la passation de pouvoir à Matignon. Dans le journal de 20h de TF1, Jean Castex a esquissé les premiers contours de la politique de son futur gouvernement, qui devrait être annoncé avant mercredi. 

Les informations à retenir 

  • Le haut-fonctionnaire Jean Castex succède à Edouard Philippe
  • Édouard Philippe a souhaité "beaucoup de succès" à son successeur lors de la passation de pouvoir
  • "On ne peut pas tout attendre de l'État", a lancé Jean Castex lors de sa première interview publique, sur TF1 
  • La composition du nouveau gouvernement devrait être connue avant mercredi

Édouard Philippe à Jean Castex : "Soyez bon !"

Jean Castex, fraîchement nommé Premier ministre, est arrivé vendredi à 17h30 à Matignon pour la passation de pouvoir avec Édouard Philippe. Le désormais ex-Premier ministre a accueilli son successeur sur le perron de l'hôtel de Matignon, avant un entretien entre les deux hommes. Ils sont tous deux ressortis devant Matignon peu après 18 heures, pour un discours d'adieux émouvant d'Édouard Philippe.  

"Je vous souhaite beaucoup de réussite et beaucoup de succès pour vous, bien entendu, et pour notre pays qui n'est pas sorti d'une crise dont vous savez les effets. Notre pays a besoin d'un esprit ouvert et d'une main ferme, et je pense que vous avez cet esprit ouvert et cette main ferme", a déclaré Édouard Philippe.

"Soyez bon, et comme on dit chez moi : bon vent !", a conclu Édouard Philippe, qui a été longtemps applaudi par l'assistance massée à Matignon. 

Le nouveau Premier ministre salue le bilan de son prédécesseur

Dans la foulée, Jean Castex s'est lancé dans une présentation élogieuse du bilan d'Édouard Philippe. "Dois-je rappeler que la France présentait l'un des taux de croissance les plus élevés d'Europe, que le chômage était à son niveau le plus bas depuis 10 ans ? On pourrait ajouter les réformes structurelles adoptées par le gouvernement, et les mesures vigoureuses prises par votre gouvernement pour éviter que notre économie s'effondre, avec une attention constante aux plus faibles et aux plus démunis", a débuté Jean Castex. 

"Les Français ont commencé à vous connaître et ont pu identifier un 'style' Édouard Philippe", a ajouté le nouveau Premier ministre. "Je mesure, cher Édouard, l'émotion qui est la vôtre, comme chacun imagine la mienne au moment où je prends ces lourdes fonctions. "Merci beaucoup cher Édouard pour vos propos, mais surtout pour vos actions. Nul, ici, ne doute que vos talents vont rester au service de la France", a-t-il conclu. 

"On ne peut pas tout attendre de l'État", lance Jean Castex

Jean Castex a esquissé les premiers contours de sa politique gouvernementale un peu plus tard, lors de sa première interview publique, au journal télévisé de 20h de TF1. Et sans surprise, il penche clairement à droite. "Je suis un gaulliste social, mes valeurs sont la responsabilité, c’est-à-dire qu’on ne peut pas tout attendre de l’État. Je ne peux pas admettre certains comportements, certaines déviances, certains communautarismes", a assuré le nouveau Premier ministre. 

Le locataire de Matignon, maire de Prades dans les Pyrénées-Orientales, a également dit vouloir impliquer encore plus les "territoires" dans la mise oeuvre des politiques nationales. "Il est indispensable de faire évoluer notre logiciel. Toute l’administration n’a pas à rougir, mais tout ne peut pas se décider depuis Paris. Je crois aux territoires, je crois aux valeurs de confiance et de responsabilité. Nous devons aussi faire progresser l’écologie dans les territoires", a-t-il estimé, alors que des voix s'élèvent pour critiquer son peu d'appétence pour l'écologie, quelques jours après le triomphe d'EELV (Europe écologie-Les Verts) aux élections municipales.

"L’écologie n’est pas une option, elle est désormais entrée dans toutes les têtes. Elle transcende la classe politique", a répondu le Premier ministre. "Certains se réclament d’options plus ambitieuses, mais c’est au cœur du projet du président de la République que je suis chargé de mettre en œuvre", a-t-il poursuivi. Jean Castex a également assuré vouloir "agir vite" et annoncer la composition de son gouvernement le plus tôt possible. "Je souhaite prononcer mon discours de politique générale au milieu de la semaine prochaine, l’objectif c’est d’être à pied d’œuvre le plus vite possible."

Le départ d'Édouard Philippe, après un "constat partagé"

Le départ d'Édouard Philippe a été officialisé ce vendredi. C'est au cours d'un entretien jeudi que "le président de la République et le Premier ministre ont établi un constat partagé quant à la nécessité d'un nouveau gouvernement pour incarner une nouvelle étape du quinquennat, un nouveau chemin", a précisé l'Elysée. Un remaniement qui était attendu depuis plusieurs jours déjà, alors qu'Emmanuel Macron s'est dit résolu dans la presse régionale vendredi à emprunter "un nouveau chemin" pour la suite de son quinquennat.

"Au cours de cet entretien chaleureux et amical, le président a remercié le Premier ministre pour le travail accompli ensemble depuis trois ans, en particulier les importantes réformes conduites pour la modernisation du pays et la préservation de notre modèle social", a poursuivi la présidence dans son communiqué. Elle a précisé que ce travail avait été "accompli en commun et en confiance, dans une parfaite loyauté".

Contacté par Europe 1, l'Elysée a fait savoir qu'Emmanuel Macron et Edouard Philippe vont continuer à travailler ensemble. "Edouard Philippe va aider le Président à structurer politiquement la majorité", confie la présidence. 

Le nouveau gouvernement connu avant mercredi, un agenda très chargé pour Jean Castex

En conséquences, le Conseil des ministres, prévu vendredi matin, ne s'est pas tenu. La composition du nouveau gouvernement devrait être connue avant mercredi, date du prochain conseil des ministres, selon l'entourage d'Emmanuel Macron.

Le président avait réaffirmé en avril vouloir "se réinventer" mais sans "renier" les reformes du début du quinquennat, laissant planer le doute sur le maintien ou non d'Édouard Philippe en cas de remaniement, son Premier ministre depuis le début du quinquennat. "Le cap sur lequel je me suis engagé en 2017 reste vrai", a-t-il réaffirmé jeudi dans une interview.

Depuis le début du quinquennat, Édouard Philippe avait toujours été reconduit. Pour remplacer éventuellement celui dont la popularité a grimpé en flèche durant la crise du coronavirus, les proches du président citaient ces derniers jours la ministre des Armées Florence Parly, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse. Et Jean Castex, Monsieur déconfinement du gouvernement, qui a donc finalement été choisi.

Le prochain gouvernement sera chargé d'appliquer le "nouveau chemin" qu'Emmanuel Macron a commencé à dessiner, avec une priorité sur la politique de santé, le grand âge et un plan pour la jeunesse. Un changement qui s'annonce dans la continuité avec notamment la remise en chantier de la réforme des retraites. 

Qui est Jean Castex ?

Le surnom longtemps accolé à Édouard Philippe, "l’inconnu de Matignon", pourrait tout aussi bien convenir à Jean Castex. Habitué du pouvoir mais largement inconnu du grand public, ce Pyrénéen a navigué dans différents ministères sous la droite, et a notamment été le conseiller de Nicolas Sarkozy et le secrétaire général adjoint de l'Élysée à la fin de sa présidence. Début avril, Édouard Philippe l’avait chargé de coordonner le travail du gouvernement sur le déconfinement des Français. Pour en savoir plus, retrouvez son portrait par ici

"Le président veut reprendre le pouvoir, il veut gouverner. C'est ce qui est expliqué à deux ans de la présidentielle. C'est lui qui doit être en avant, donc il lui faut une équipe gouvernementale qui lui permette d'être en avant. Il faut que Macron fasse du Macron", analyse notre éditorialiste politique Michaël Darmon, selon qui le poste de Premier ministre va encore davantage évoluer en un poste "d'exécutant". 

Jean Castex va arriver à Matignon avec Nicolas Revel comme directeur de cabinet. Ancien collaborateur de Bertrand Delanoë, il a aussi été secrétaire général adjoint de l'Elysée sous François Hollande et dirigeait jusqu’alors la Caisse nationale de l'assurance-maladie. 

Quel avenir pour Édouard Philippe ? 

Après trois ans d'un mandat aussi riche qu'éprouvant, Édouard Philippe quitte Matignon. Mais une question se pose désormais : quel avenir politique pour le désormais ex-Premier ministre, au faîte de sa popularité depuis la crise du coronavirus ? Élu dimanche maire du Havre, il va d’abord retrouver la ville qu’il a dirigé de 2010 à 2017.

Certains l’imaginent également candidat à l’élection présidentielle en 2022 et y travaillent en coulisses. Des boucles Telegram "Édouard Philippe 2022" existent, mais cela n’a pas beaucoup de consistance réelle pour le moment. Edouard Philippe s’est montré extrêmement loyal envers le président de la République ces dernières années, avec qui il a toujours travaillé en fidèle collaboration.