Dimanche dernier, ils étaient plusieurs centaines de milliers. Combien seront-ils dimanche prochain ? La question est d’importance, car les électeurs de gauche ont eu un rôle certain dans le résultat de la primaire de la droite. Leur objectif initial, la chute de Nicolas Sarkozy, est rempli. De quoi partir à la pêche sereinement dimanche prochain, pour le second tour ? Pas forcément. Car convaincus désormais du poids qu’ils peuvent avoir, certains pourraient décider de récidiver. Notamment face au programme très droitier du grand favori, François Fillon.
Combien étaient-ils lors du premier tour ?
Difficile de répondre à cette question, puisque seule la parole des votants peut être prise en compte. Et que la définition même d’électeurs de gauche est floue. Une personne qui a voté pour François Hollande en 2012 peut très bien avoir voté pour Nicolas Sarkozy ou François Bayrou cinq ans plus tôt. Si l’on se réfère aux instituts de sondages, ils étaient de toute façon plusieurs centaines de milliers. Selon Ifop-Fiducioal, qui donne l’estimation la plus basse, 9% des 4,3 millions électeurs du premier tour étaient des sympathisants de gauche. Soit 380.000 personnes environ. Selon Elabe qui voit le plus grand, ils étaient 15%, soit 650.000 votants environ. Pas négligeable donc, même si de l’avis de tous les sondeurs, le classement final du premier tour de la primaire aurait été le même sans eux.
Pas d’anti-fillonisme primaire…
Reste donc à savoir combien récidiveront dimanche. Logiquement, le chiffre devrait baisser. Le moteur de l’antisarkozysme est éteint, et François Fillon ne suscite pas le même rejet. Au contraire, des électeurs de gauche pourraient être tentés de laisser gagner l’ancien Premier ministre, puisque sa position très à droite est plus à même de mobiliser la gauche contre lui. L’intéressé, d’ailleurs est serein. "Je vois mal les militants de gauche se mobiliser en masse contre ma candidature", a déclaré le député de Paris dans Le Figaro, jeudi.
…Mais un programme découvert sur le tard
Sauf que focalisés sur Nicolas Sarkozy, les électeurs de gauche ne s’étaient pas forcément penchés sur le programme de François Fillon. Et au lendemain de l’euphorie grisante née de l’élimination de l’ancien Président, c’est un peu la gueule de bois pour certains. Volonté de réécrire la loi Taubira sur le mariage pour tous, abolition des 35 heures, suppression d’un demi-million de postes de fonctionnaires, position pro-russe… le programme de François Fillon a de quoi affoler le moins gauchiste des électeurs de gauche. Au final, certains, qui ont intégré la défaite de leur camp en 2017, pourraient être tentés d’essayer de faire gagner "le moins pire d’entre eux".
Un besoin impérieux pour Juppé
Il s’en est défendu à plusieurs reprises : Alain Juppé n’est pas le candidat des sympathisants de gauche. "J’appelle à voter pour moi les électeurs de la droite et du centre", a-t-il lancé à plusieurs reprises. N’empêche, s’il veut l’emporter dimanche, il aura besoin des toutes les voix possibles. Y compris celles-ci. La stratégie de "droitiser", voire d’"extrême droitiser" François Fillon peut aussi être analysée à l’aune de ce besoin vital.