Un "examen lucide" de son action, "les réussites, les avancées, mais aussi les échecs" qu'il "assume complètement". Voilà l'objectif du livre de François Hollande, Les leçons du pouvoir (éditions Stock), tel que l'ancien président le résume dans une interview au magazine L'Obs, qui publie ce mardi les premiers extraits de l'ouvrage. Quelques extraits qui témoignent d'un désir profond de réhabilitation après un quinquennat difficile et très décrié. L'ancien chef de l'État socialiste y exprime des regrets, tant pour des erreurs commises que pour des réformes non menées. Mais n'hésite pas aussi à pointer tous ceux qui se sont mis en travers de sa route durant ces cinq années. Emmanuel Macron, bien sûr, mais aussi les frondeurs.
La déchéance de nationalité, "premier regret". Mieux vaut avoir des remords que des regrets, écrivait Oscar Wilde. À la lecture des Leçons du pouvoir, difficile de savoir ce qui pèse le plus à François Hollande entre ce qu'il a mal fait et ce qu'il n'a pas fait du tout. Dans la première catégorie, on trouve la déchéance de nationalité. "Quand je me retourne sur mon quinquennat, c'est mon premier regret", confesse-t-il. "J'aurais dû mieux écouter Christiane Taubira." La ministre de la Justice de l'époque avait en effet essayé de le dissuader. En vain. Sur la loi Travail, François Hollande reconnaît une "erreur de méthode et de calendrier". Aucune sur le bien-fondé de la réforme. "J'aurais dû faire voter cette loi au début de mon mandat."
" [Sur la PMA], je m'en suis voulu d'avoir manqué d'audace. "
L'ancien président, qui s'était fait remarquer pour ses interminables confessions aux journalistes, sources de nombreux ouvrages, admet également avoir trop parlé. "À s'inviter en permanence chez les gens, ils finissent par vous fermer leur porte. À vous voir, ils ne vous regardent plus. À saturer l'espace, ils vous effacent."
"Manque d'audace". Dans la catégorie des choses qu'il aurait dû faire, François Hollande range l'ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes. Une réforme qu'il n'a jamais entreprise après la levée de boucliers déclenchée par le mariage pour tous. "Je m'en suis voulu d'avoir manqué d'audace", confie désormais l'ancien président socialiste. Un manque d'audace, aussi, sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Cela nécessitait une majorité des deux tiers à l'Assemblée et au Sénat, et le chef de l'État a jugé ce quorum impossible à atteindre. "J'ai eu tort de m'arrêter à cette considération : mieux valait un échec qu'un évitement".
La "leçon" Cahuzac. Enfin, le dernier regret sera pour la rupture avec Jérôme Cahuzac. Trop tardive, reconnaît François Hollande aujourd'hui. "C'est dès l'enquête préliminaire diligentée par le procureur de Paris en janvier [2013] que j'aurais dû le faire partir du gouvernement." Une "leçon" qui rend l'ancien président extrêmement sévère. "La démission doit intervenir dès le déclenchement d'une procédure judiciaire sans attendre la mise en examen. La règle peut être injuste. Mais elle évite au ministre impliqué de faire porter son fardeau par le gouvernement tout entier."
" Ce n'est pas ma politique qui a été condamnée, c'est celle des frondeurs. "
La faute des frondeurs. Ces mea culpa n'empêchent pas François Hollande d'exprimer aussi un certain nombre de rancœurs à l'égard de ceux qui, à divers niveaux, l'ont selon lui empêché de réussir. Les frondeurs, d'abord, qui en prennent pour leur grade. "Par leur virulence, leur insistance, leur dissonance, [ils] finissent par ébrécher la solidarité indispensable à toute pédagogie", écrit-il. Dans une interview à L'Obs, l'ancien chef de l'État se montre plus sévère encore. "Les frondeurs ont coupé la branche sur laquelle j'étais assis en oubliant qu'ils y étaient aussi", analyse-t-il. Selon lui, c'est eux bien plus que lui qui ont été sanctionnés électoralement. "C'est un frondeur [Benoît Hamon] qui a gagné la primaire, et ses 6% montrent bien que son positionnement a fait fuir les électeurs. Ce n'est pas ma politique qui a été condamnée, c'est la leur. S'il y a eu une défaite, c'est [la leur]."
La trahison de Macron. Bien entendu, Emmanuel Macron n'est pas non plus épargné. François Hollande raconte que son jeune ministre de l'Économie n'a pas cessé de le rassurer sur ces intentions, parlant de "malveillance" à propos des rumeurs qui, dès 2016, lui prêtent des ambitions présidentielles. "J'ai fait confiance. On ne construit rien sur le soupçon", souligne-t-il auprès de L'Obs, comme une réponse à ceux qui lui reprochent d'avoir été trop naïf. Dans son livre, l'ancien président explique avoir vu son ancien poulain quelques jours après son élection. Et compris, alors qu'il lui conseillait de faire alliance avec le PS aux législatives, qu'Emmanuel Macron visait plus une "absorption" des socialistes qu'une "réconciliation" avec eux.
Élu "par effraction". Sans surprise, le regard de François Hollande sur l'exercice du pouvoir macronien est acerbe. "Il ne s'est jamais inscrit dans l'histoire ni dans la culture de la social-démocratie. Il ne mène donc pas une politique qui s'en inspire", explique l'ancien chef de l'État à L'Obs. Autrement (et plus simplement) dit : Emmanuel Macron n'est pas de gauche et ne l'a jamais été. "Son élection doit beaucoup à un jeu du destin et à l'état des autres forces politiques. Il a dit lui-même qu'il avait été "par effraction". C'est vrai", poursuit François Hollande. L'ancien président avait prévenu. Il veut bien être "patient, serein, mais pas muet". Il vient de le prouver.