Critiqué par des magistrats et avocats mais salué par des policiers, le projet de réforme de la procédure pénale est présenté mercredi en Conseil des ministres. Il entend renforcer de façon pérenne les outils de lutte contre le terrorisme en dehors de l'état d'urgence. Il se situe dans le prolongement des lois antiterroristes, de la loi sur le renseignement et des mesures en vigueur dans le cadre de l'état d'urgence décrété après les attentats du 13 novembre à Paris.
Voici les principales mesures :
• Usage des armes des forces de l'ordre : le principe d'une "irresponsabilité pénale"
Le texte instaure le principe d'une "irresponsabilité pénale" en raison de "l'état de nécessité" pour tout policier, gendarme, douanier ou militaire qui "hors cas de légitime défense fait un usage de son arme rendu absolument nécessaire pour mettre hors d'état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu'elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes".
• Retour de djihad : assignations à résidence ou contrôles administratifs
Une mesure renforce le contrôle administratif des personnes "dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles ont accompli (...) des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes (...) dans des conditions susceptibles de les conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire français". Ces personnes, contre lesquelles il n'existe pas d'éléments suffisants pour les mettre en examen, pourraient ainsi être assignées à résidence ou subir des contrôles administratifs, sur décision du ministère de l'Intérieur. Ces contraintes, limitées à un mois non renouvelable, pourront être suspendues si la personne se soumet à une action de réinsertion et d'acquisition des "valeurs de citoyenneté" dans un centre habilité.
• Fouilles, rétention et perquisitions de nuit : des possibilités élargies
La réforme élargit la possibilité pour les policiers et gendarmes de fouiller bagages et véhicules, sous l'autorité du préfet et non plus du procureur, "aux abords des installations, d'établissements ou d'ouvrages sensibles". Elle permet aux forces de l'ordre, lors d'un contrôle d'identité, de retenir une personne "lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste, le temps nécessaire à l'examen de sa situation". Cette retenue ne pourra excéder quatre heures. Les perquisitions de nuit, jusqu'alors réservées aux juges, pourront désormais être ordonnées dans les enquêtes préliminaires du parquet, y compris dans les logements et même pour "prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique".
• Interceptions : de nouvelles mesures d'investigation
Le texte donne aux parquets et aux juges d'instruction l'accès à de nouvelles mesures d'investigation en matière de communication électronique et à de nouvelles techniques comme les "Imsi-catcher, qui interceptent les communications dans un périmètre donné en imitant le fonctionnement d'un relais téléphonique mobile".
• Témoins, financement et biens culturels
Le projet de loi entend mieux protéger les témoins en prévoyant notamment le recours au huis clos durant leur déposition dans certains procès sensibles. La lutte contre le financement du terrorisme sera également facilitée par un encadrement et une traçabilité des cartes prépayées, la possibilité pour Tracfin, organisme antiblanchiment du ministère de l'Économie, de signaler aux banques des opérations et des personnes à risque, et une extension du champ du gel des avoirs. Une incrimination nouvelle visant à réprimer le trafic des biens culturels sera créée pour éviter que des groupes terroristes syriens ou libyens puissent "recycler sur notre sol le fruit du pillage du patrimoine de l'humanité".