Entendue le 10 juin par la commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance de la justice, Eliane Houlette, ancienne cheffe du parquet national financier à l’origine de l’enquête visant les époux Fillon pour des soupçons d’emplois fictifs, a fait part du "contrôle très étroit" qu'aurait exercé, selon elle, le parquet général sur ses travaux. Le parquet aurait notamment exigé de la part de la magistrale "des demandes de transmission rapide" sur son enquête. Cette dernière aurait également été convoquée par son autorité de tutelle, qui souhaitait alors que l’affaire soit confiée à un juge d’instruction. "On ne peut que se poser des questions, c'est un contrôle très étroit et c'est une pression très lourde", a notamment déclaré Eliane Houlette.
Ces révélations, mises en lumière par un article du Point, n'ont pas manqué de faire réagir chez les proches de François Fillon. "Je veux qu’on m’explique pourquoi, à la fin du quinquennat de François Hollande, avant que le gouvernement ne change, le ministère se tient au courant toutes les 48 heures des perquisitions, des audiences, des notes des conseils des mis en cause", s'est agacé vendredi, au micro de Matthieu Belliard sur Europe 1, Antonin Lévy, l’avocat de François Fillon.
Pour lui, ces révélations viennent étayer la thèse selon laquelle son client, alors candidat à l’élection présidentielle, a été poussé vers la sortie par le pouvoir en place. "François Fillon avait dit dès le début du dossier que s’il était mis en examen, il se retirerait", rappelle l’avocat. "On constate que le procureur général […] décide de forcer, de contraindre, de mettre la pression sur la procureure en charge du dossier pour ouvrir une instruction et conduire au plus vite – c’est mon interprétation – à la mise en examen de François Fillon et à son retrait", assure-t-il.
"Cette instruction était un piège dans lequel on nous enfermait"
Pour rappel, début 2017, la campagne de François Fillon, vainqueur de la primaire à droite pour l’élection présidentielle, est brusquement chamboulée par des révélations du Canard enchaîné. Selon l’hebdomadaire, l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy aurait indûment fait rémunérer sa femme Penelope pendant des années pour un poste d’attachée parlementaire dont il n'existerait pratiquement aucune trace. L’enquête a conduit au printemps 2020 au procès en correctionnelle du couple. Le jugement est attendu le 29 juin.
Eliane Houlette a cependant expliqué avoir in fine été elle-même convaincue de la nécessité d’ouvrir une instruction judiciaire contre François Fillon. "On a démontré à l’audience que cette justification n’est pas juridiquement exacte", rétorque Antonin Lévy. "Cette instruction était un piège dans lequel on nous enfermait, avec un juge d’instruction désigné dès le début […], sans se soucier de ce qu’il y avait dans le dossier, pour ensuite mener tambour battant une instruction avec un seul but : écarter les éléments à décharge, ne pas écouter les témoins qui pouvaient apporter des éléments d’innocence et arriver à un dossier démontrant la culpabilité."
Des remontées "quasi quotidiennes"
"Nous avons une femme qui a fait état de multiples pressions sur elle dans un dossier emblématique. On ne peut pas s’arrêter là !", estime encore Antonin Lévy, qui rappelle toutefois que les remontées d’informations vers le ministère de la Justice sont une pratique bien connue, mais régulièrement dénoncée. "Ces remontés d’informations doivent être encadrées, doivent avoir un but, être limitées dans leur objectif et tracées. Là, ce qui est choquant, c’est cette remontée quasi quotidienne, si bien que la procureure en charge du dossier a considéré que cela constituait un pression sur elle et la conduite de ses investigations", pointe encore l’avocat de François Fillon.