Loi narcotrafic : accord noué au Parlement, adoption définitive en vue

Réunis à huis clos lors d'une commission mixte paritaire (CMP) à l'Assemblée, des parlementaires des deux chambres ont abouti à un compromis sur l'ensemble des mesures concernant la loi narcotrafic. Cette rédaction commune sera désormais soumise à un ultime vote dans les deux chambres, le 28 avril au Sénat et le 29 à l'Assemblée nationale.
Un accord a été noué jeudi entre députés et sénateurs sur un texte très attendu pour lutter contre le narcotrafic, ouvrant la voie à l'adoption définitive fin avril de cette proposition de loi érigée en priorité du gouvernement, ont annoncé les deux chambres du Parlement. Réunis à huis clos lors d'une commission mixte paritaire (CMP) à l'Assemblée, des parlementaires des deux chambres ont abouti à un compromis sur l'ensemble des mesures de ce texte d'origine sénatoriale, soutenu avec force par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin.
Cette rédaction commune sera désormais soumise à un ultime vote dans les deux chambres, le 28 avril au Sénat et le 29 à l'Assemblée nationale, dernière étape avant la promulgation de la loi. Bruno Retailleau a "salué" l'accord et le "grand travail mené par les sénateurs et des députés sur cette loi capitale". L'adoption définitive ne fait aucun doute : jeudi, seule La France insoumise s'est opposée au texte de compromis trouvé en CMP, selon plusieurs participants.
Le texte "présente des dispositions problématiques, notamment du point de vue des libertés publiques", a déclaré le député LFI Antoine Léaument, annonçant d'ores et déjà un recours au Conseil constitutionnel. La proposition de loi transpartisane, cosignée par les sénateurs Etienne Blanc (Les Républicains) et Jérôme Durain (Parti socialiste), vise à "sortir la France du piège du narcotrafic" et comporte de nombreuses mesures pour réformer les outils judiciaires et policiers pour lutter contre la criminalité organisée en frappant "le haut du spectre".
Il a recueilli un soutien très large au Parlement, même si plusieurs partis se sont affrontés sur certaines mesures décriées, la gauche s'inquiétant parfois d'atteintes excessives aux libertés publiques ou aux droits de la défense. Mais le compromis trouvé jeudi "est un bon point d'aboutissement, avec des améliorations", a assuré l'auteur du texte Jérôme Durain à l'AFP, estimant avoir abouti à un texte "consolidé et sécurisé".
Isolement d'un an, non deux
Selon plusieurs parlementaires, l'accord trouvé jeudi en CMP a confirmé l'essentiel des mesures déjà votées dans les deux chambres, y compris celles ayant fait débat. C'est le cas de la création d'un "dossier-coffre" ou "procès-verbal distinct", destiné à protéger les enquêteurs en privant la défense de l'accès à certaines informations sur l'enquête dans des cas très encadrés.
Ou encore de l'instauration d'un nouveau régime carcéral d'isolement pour les gros trafiquants, avec une durée d'affectation à ces quartiers ramenée à un an renouvelable, contre deux ans selon le texte voté à l'Assemblée. Le socialiste Roger Vicot a défendu son vote favorable "puisque beaucoup de choses ont évolué", a-t-il dit à l'AFP.
La fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchiment sera bien possible, mais à la main des préfets et non aussi des maires, comme l'avait introduit le Rassemblement national à l'Assemblée. Figurent aussi dans le texte final une expérimentation du renseignement algorithmique pour détecter des menaces liées à la criminalité organisée, la possibilité donnée aux préfets de prononcer des "interdictions de paraître" sur les points de deal ainsi qu'une refonte du régime des "repentis".
En revanche, une mesure chère à Bruno Retailleau pour contraindre les plateformes de messagerie chiffrée (Signal, WhatsApp) à communiquer les correspondances des trafiquants aux enquêteurs, adoptée au Sénat, mais massivement rejetée à l'Assemblée, n'a pas été réintroduite. Disposition centrale, mais beaucoup plus consensuelle, la création d'un parquet spécialisé baptisé parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), qui sera saisi dès janvier 2026 des crimes les plus graves et complexes, est donc bel et bien entérinée.