Un suspense qui n’en était pas vraiment un a pris fin mercredi matin à Bobigny. Emmanuel Macron a profité d'une visite au Campus des métiers et de l’entreprise pour enfin officialiser sa candidature à l’élection présidentielle, devant les micros et les caméras. Cela fait plusieurs semaines, voire plusieurs mois, que l'ancien banquier se prépare à l'échéance du printemps 2017, avec notamment en avril dernier la création de son mouvement, En Marche !. Avant même son officialisation, sa candidature a suscité de très nombreuses réactions de la part de ses collègues politiques, la plupart négatives. Preuve que, mine de rien, l’ancien ministre de l’Économie fait peur. Même si pour lui, tout, et surtout le plus dur, reste à faire.
- Emmanuel Macron s'est déclaré peu après 11 heures lors d'une déclaration à la presse
- François Hollande avait appelé dès mardi soir "à la cohésion", depuis le Maroc, où il participe à la COP22
- La plupart des réactions politiques sont négatives. Preuve que l'ancien ministre fait peur
- "Je suis candidat à la présidence de la République"
Après plusieurs minutes de discours, Emmanuel Macron a lâché la petite phrase tant attendue : "Je suis candidat à la présidence de la République". "C’est une étape importante que nous allons franchir et que nous préparons depuis plusieurs mois", a lancé d'entrée l'ancien ministre de l'Économie. "Dans quelques mois, à l'occasion de l'élection présidentielle, une opportunité nous est offerte, celle de refuser enfin le statu quo pour choisir d'avancer, parce que ce combat que nous devons livrer, pour faire réussir notre pays, il commencera en mai 2017. Pour le mener, la responsabilité du président de la République est immense et j'en suis pleinement conscient (...) C'est pourquoi je suis candidat à la présidence de la République", a-t-il lancé.
"La France aujourd'hui est sortie du chemin du progrès. Le doute s'est installé. Depuis 40 ans, nous n'avons pas réussi à régler le problème du chômage de masse, la déprise des territoires, la langueur de l'Europe, les divisions internes. La France est bloquée par les corporatismes. Dans le fond elle n'est n'est plus à la hauteur de sa promesse", a poursuivi l'ex-banquier de 38 ans. Emmanuel Macron a de nouveau dénoncé un "système politique bloqué", dont il a éprouvé "la vacuité de l'intérieur", et "qui empêche les majorités d’idées au motif qu’elle fragilisent les appareils, les partis traditionnels, les intérêts acquis. Ce système aurait "transformé la vie des Français en simple décor de leur théâtre d’ombre".
Très solennel, Emmanuel Macron a lancé un appel pour conclure sa déclaration de candidature. "J’en appelle aujourd’hui à toutes les femmes et les hommes de bonne volonté. J’en appelle à toutes celles et ceux qui croient dans la réconciliation de la liberté et du progrès. J’en appelle à toutes celles et ceux qui ne veulent pas guetter dans la pénombre une lueur d’espérance, mais qui veulent l’incarner, car c’est notre vocation profonde. Et je n’en sais de plus belle", a-t-il lancé.
- Avant, déjà une avalanche de réactions (négatives)
À gauche. L'annonce de la candidature d'Emmanuel Macron n'a pas provoqué d’explosion de joie du côté de la gauche. "C'est très embêtant", a ainsi réagi sur France 2 Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS. "On peut s'en laver les mains, moi je pense que c'est très dangereux, parce que la droite dérive à droite, parce que l'extrême droite peut toujours y arriver." Arnaud Montebourg a feint de ne pas connaître le nouveau candidat ou, tout au moins, son programme. "J'ignore qui est Emmanuel Macron, quelles sont ses orientations (...), pour moi, il est un peu comme Monsieur X", a déclaré sur France 2 celui a précédé Emmanuel Macron au ministère de l'Économie. Enfin, pour le secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, qui parlait sur RMC, Emmanuel Macron est "le candidat de tous ceux qui ont intérêt à faire exploser la gauche".
À droite. Emmanuel Macron ne suscite pas beaucoup plus d’enthousiasme à droite. "Ma conviction, c'est que les Français ne confieront pas leur destin à quelqu'un qui n'a aucune expérience, et surtout qui n'a rien démontré pour le moment", a ainsi jugé François Fillon sur RTL. "Il se présente aujourd'hui comme le chevalier blanc totalement nouveau. Il faut se méfier des gens qui font le contraire de ce qu'ils disent et disent le contraire de ce qu'ils font", a de son côté tranché Alain Juppédans Les Échos. "Voila quelqu'un qui est l'incarnation de l'élite mondialisée, (…) c'est d'abord une certaine vision où la France doit se renier dans la mondialisation", a enfin déploré sur Europe 1 Laurent Wauquiez, président par interim des Républicains et soutien de Nicolas Sarkozy.
Au Front national. "Pour l’instant, c’est un peu le candidat plexiglas, on voit au travers. On attend de voir s’il va y avoir un contenu parce que ça ne peut pas être que la nouveauté pour la nouveauté", a estimé Marine Le Pen, présidente du Front national, interrogée au micro d’Europe 1. "Je me demande quel est l'intérêt de cette candidature, parce qu'il va venir s'ajouter à un créneau ultralibéral, européiste, qui est déjà complètement saturé dans cette élection présidentielle", a lancé Florian Philippot, le numéro 2 du FN, sur Radio Classique. "Ce sera un candidat très marketing, alors peut-être chouchou des médias, chouchou des couvertures, des Unes de magazines. Il en a déjà fait beaucoup, avec un grand sourire."
- Hollande appelle "à la cohésion" et "au rassemblement"
Depuis le Maroc, où il assiste à la COP22, François Hollande a réagi à la candidature d'Emmanuel Macron dès mardi soir. "Ce qui compte, ce n'est pas ma personne, c'est le pays", a déclaré le chef de l'État, pour qui "l'enjeu, c'est le rassemblement, c'est la cohésion", la gauche ne pouvant pas être au "rendez-vous" de 2017 "si elle n'est pas rassemblée". "Pour la France, c'est la cohésion qui va être l'élément essentiel. Si la France se divise, si la France se fragmente, se désunit au moment où elle fait face à tant de menaces, alors la France déclinera", a-t-il prévenu.
- Les avis des éditorialistes d’Europe 1
Pour Antonin André, chef du service politique d’Europe 1, la candidature d’Emmanuel Macron bouleverse la donne politique. Car l’ancien ministre est capable de grignoter des voix à tous les candidats, qu’ils soient de droite ou de gauche, de Nicolas Sarkozy à Jean-Luc Mélenchon. Cela dit, le fondateur d’En Marche ! semble loin d’être en mesure de se qualifier pour le second tour. Il est tout simplement trop impopulaire à gauche. La solution, pour lui, pourrait passer peut-être par une participation à la primaire de la gauche.
Ecoutez l’édito politique d’Antonin André :
Candidature d’Emmanuel Macron : comment modifie...par Europe1fr
Pour Yves Thréard, la comparaison entre Emmanuel Macron et Donald Trump, que certains avancent, est pour le moins osée. Certes, comme le président américain élu, l’ancien ministre de l’Économie ne s’est jamais frotté au suffrage universel, et il est comme lui un objet politique non identifié. Mais, sur la forme comme sur le fond, les deux hommes sont radicalement différents.
Ecoutez l’édito d’Yves Thréard :