"Les résultats sont là" : Gérald Darmanin a entamé samedi une visite de deux jours à Mayotte pour défendre Wuambushu, son opération contestée de lutte contre la criminalité, l'immigration illégale et l'habitat insalubre dans cet archipel français de l'océan Indien. Arrivé dans la matinée, le ministre de l'Intérieur a commencé son déplacement par un "point de situation sur l'action menée par l'Etat" dans le 101e département français, le plus pauvre du pays, à la situation sociale et sécuritaire explosive. "Les résultats sont là, en matière de lutte contre la délinquance, contre l'habitat insalubre, contre l'immigration irrégulière", a-t-il tweeté.
En visite dans un régiment à Combani, dans le centre de Grande-Terre, il a précisé que Wuambushu serait "prolongée d'un mois" puis qu'un "deuxième type d'opération, une nouvelle formule" débuterait en septembre, ciblant l'agriculture et la pêche illégales et les marchands de sommeil. Collier de fleurs mahoraises autour du cou, Gérald Darmanin a prononcé un discours dans le centre de Mamoudzou devant des collectifs de citoyens qui avaient installé des banderoles disant "Mayotte dit Merci aux forces de l'ordre" ou "Darmanin l'homme de la situation".
"Vous pouvez compter sur nous"
"On a fait beaucoup de choses depuis plusieurs semaines et plusieurs mois et on va continuer", a-t-il déclaré selon des images diffusées par Mayotte la 1ère. "Maintenant que nous reprenons la main sur la sécurité, il faut s'occuper de tout le reste, et vous pouvez compter sur nous", a-t-il poursuivi, appelant au développement du tourisme et de l'agriculture et à résoudre les problèmes d'eau, dont les coupures sont quasi-quotidiennes.
La visite du ministre de l'Intérieur était très attendue à Mayotte. "Il a le soutien de la population mais il ne faut pas qu'il nous lâche (...). Il n'y a pas un seul service public de l'île qui n'est pas impacté par l'immigration clandestine", a affirmé à l'AFP Safina Soula, présidente du collectif des citoyens de Mayotte 2018. Lancée officiellement le 24 avril, l'opération Wuambushu avait des objectifs annoncés ambitieux mais ses résultats sont pour l'instant modestes, aux yeux des collectifs. "Il faut qu'il y ait beaucoup plus de décasages (destructions de bidonvilles, NDLR), des sanctions pour les marchands de sommeil et plus de contrôles aux frontières", estime Safina Soula.
Prolongement de l'opération
Dans une interview au Figaro mise en ligne vendredi, Gérald Darmanin avait assuré que le gouvernement allait "continuer à injecter des moyens" et maintiendrait "plus d'un millier" de forces de sécurité sur l'île. Défendant le bilan de l'opération, il a affirmé qu'en deux mois, "les violences contre les personnes ont été réduites de 22%" et les cambriolages, vols et atteintes aux biens "de 28%". "Surtout, sur les 57 chefs de bandes identifiés au départ, 47 ont été arrêtés et présentés devant la justice", a-t-il poursuivi, revendiquant aussi avoir "divisé par trois le flux entrant de clandestins".
Reste que l'objectif fixé par Gérald Darmanin de la destruction d'ici fin juin de 1.000 bangas, ces cases insalubres en tôle, a été repoussé à la fin de l'année. Depuis le début de l'opération, dénoncée par des associations comme "brutale" et "antipauvres", les services de l'État n'ont réussi à démanteler que deux quartiers informels, Talus 2 et Barakani, correspondant à environ 250 habitations. Les expulsions, avec un objectif de 150 à 400 éloignements quotidiens contre 70 par jour en moyenne en 2022, ont été perturbées par l'arrêt des liaisons maritimes avec les Comores pendant près d'un mois, Moroni refusant l'accostage sur l'île comorienne d'Anjouan de bateaux transportant des migrants.
Après des négociations, les traversées ont repris le 17 mai, Gérald Darmanin assurant que Moroni accepte désormais "100% des personnes irrégulières". Le dernier objectif de Wuambushu, la lutte contre la criminalité, pose-lui des problèmes de surpopulation carcérale, au point que l'unique prison de l'île a été bloquée début juin par des surveillants pénitentiaires jugeant la situation "pas tenable", le taux d'occupation étant passé à 230%. Gérald Darmanin est accompagné à Mayotte par le ministre délégué chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, que rejoindra dimanche le ministre délégué au Logement, Olivier Klein. Ils assisteront à l'aube à un décasage à Dzaoudzi, en Petite-Terre.