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Arthur de Laborde avec AFP / Crédits photo : Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP , modifié à
L'affaire Philippine vient percuter la classe politique sur fond de tension sur les questions de sécurité entre le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, et le garde des Sceaux, Didier Migaud. Depuis que le profil du suspect - un Marocain sous OQTF déjà condamné pour viol - a été révélé par Europe 1 mardi soir, le monde politique s'est saisi du drame. 

Le meurtrier présumé de Philippine, 19 ans, retrouvée morte dans le bois de Boulogne, a été interpellé mardi en Suisse par la police helvétique, a appris Europe 1 de source policière. Cet individu est sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a déjà été condamné pour viol. 

Une affaire qui ravive les tensions, déjà présentes depuis lundi, entre le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, partisan d'un changement de la politique pénale pour plus de fermeté, et le garde des Sceaux Didier Migaud, qui a rappelé que la justice était "indépendante". Les échanges, très policés mais de plus en plus fermes, se sont faits par médias interposés : lundi soir, n'hésitant pas à empiéter sur les plates-bandes de son collègue au gouvernement, Bruno Retailleau a appelé, sur TF1, à revoir "un certain nombre de cadres pour changer une politique pénale qui (...) a laissé s'installer (un) droit à l'inexécution des peines".

"Il faut qu'il y ait des peines prononcées, que les peines prononcées soient des peines aussi exécutées. Il faut construire des prisons. Ce n'est pas mon domaine mais j'en parlerai très librement avec Didier Migaud", a développé ce tenant d'une droite dure. "Il doit savoir que la justice est indépendante dans notre pays, et que c'est quelque chose qui est essentiel dans une démocratie", déclarait quasiment au même moment, sur France 2, Didier Migaud.

Le taux d'exécution des peines n'a "jamais été aussi élevé" en France

Mardi, alors que le duel se poursuivait toujours à distance, le tout nouveau ministre de la Justice a rappelé, à l'occasion de son premier déplacement à la prison de la Santé à Paris, que "le taux d'exécution des peines" n'avait "jamais été aussi élevé" en France. Selon des chiffres de la Chancellerie, le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme a atteint 95% en 2023. Mais selon une étude de l'Institut de la justice, 41% des condamnés à de la prison ferme ne vont jamais en prison. 

"Il faut de l'autorité. Il faut de la fermeté. Il faut bien évidemment des sanctions. Mais je crois que le laxisme de la justice n'existe pas. Il faut en convaincre celles et ceux qui le pensent", a ajouté Didier Migaud. 

Deux interrogations principales

Le suspect de l'affaire Philippine n'a, en effet, effectué que cinq ans de prison sur sept. Les réactions indignées viennent d’abord de la droite avec deux interrogations principales : comment le suspect a-t-il pu sortir de prison de façon anticipée en bénéficiant de réductions automatiques de peines après sa condamnation pour viol par la cour d’assises des mineurs ? Et comment un juge des libertés a-t-il pu décider de le faire sortir du centre de rétention administrative où il avait été placé à sa sortie de prison ?

"Nos dirigeants laissent les Français vivre avec des bombes humaines"

"Ce migrant n’avait rien à faire sur notre sol, mais il a pu récidiver dans la plus totale impunité", réagit Jordan Bardella ajoutant que "notre justice est laxiste, notre État dysfonctionne, nos dirigeants laissent les Français vivre avec des bombes humaines". Même incompréhension de la part de l’allié du patron du Rassemblement national, Éric Ciotti. "Un migrant en situation irrégulière, ⁠sous OQTF non exécutée, ⁠criminel récidiviste, ⁠violeur en liberté… Combien de temps encore ?" s’indigne l’ex-président des Républicains.

Le président des Alpes-Maritimes dénonce également le régime de protection des mineurs isolés dont a bénéficié le suspect. "On a cette aberration des mineurs isolés, qui bénéficient aujourd'hui d'une protection ahurissante, qu'on ne peut pas renvoyer à l'étranger (...) C'est un coût de 20 millions d'euros à la charge du département", pointe-t-il sur Europe 1.

Dans le camp présidentiel et à gauche, les réactions sont beaucoup plus rares. La députée écologiste Sandrine Rousseau s'en prend immédiatement à l'extrême droite qui, à ses yeux, "va tenter d’en profiter pour répandre sa haine raciste et xénophobe". Le député macroniste Charles Rodwell appelle à ce que "la lumière soit faite sur les conditions de la libération" du suspect. "Pour la sécurité des Français, l'expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers est un impératif", ajoute l'élu des Yvelines sur X.