"Le gouvernement a failli en ne donnant pas droit aux demandes réitérées de s'exprimer sur cette affaire et il ne peut pas y avoir de fonctionnaires qui n'agissent pas sous l'autorité du gouvernement." C'est ainsi que Christian Jacob, chef de file des députés Les Républicains (LR) à l'Assemblée nationale a justifié mardi la décision de son groupe de déposer une motion de censure, six jours après l'éclatement de l'affaire Benalla. La procédure a-t-elle une chance d'aboutir ? Combien de temps cela va-t-il prendre ? Europe 1 fait le point.
Un dépôt déjà presque acquis…
Deux cas de figure sont possibles. Le dépôt d'une motion de censure peut intervenir en réaction à l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte - le fameux article 49-3 -, comme cela avait été le cas pour la loi défendue par la ministre Myriam El Khomri en 2016. Mais elle peut aussi être initiée de manière spontanée, pour censurer la politique d'un gouvernement : c'est à ce mécanisme que Christian Jacob entend avoir recours. Pour pouvoir être déposée, une motion de censure doit réunir 58 signatures : le pari est d'ores et déjà gagné pour le groupe LR, qui compte à lui seul 103 membres.
« Depuis 5 jours, nous sommes restés sans réponse. Le gouvernement a failli. Il est responsable devant le parlement et doit donc s’expliquer! »
— Les Républicains An (@Republicains_An) 24 juillet 2018
Le Président Christian Jacob annonce que le groupe @lesRepublicains va déposer une motion de censure. #AffaireBenallapic.twitter.com/VfVcKl0DN2
… Mais un vote quasi-impossible
Avant même le dépôt officiel de la motion de son groupe, Christian Jacob a reconnu que celle-ci n'allait "pas faire tomber le gouvernement", au vu de la très large majorité LREM-MoDem à l'Assemblée (312 députés sur 577). Pour être adoptée, une motion de censure doit en effet recueillir la majorité absolue des voix, en l'occurrence 288 députés. Le nombre avait été approché au moment du vote de la loi Travail, en 2016 : 246 députés avaient voté pour.
Approché mais pas atteint, comme ce fut quasi-systématiquement le cas au fil de l'Histoire : sur les quelque 100 motions de censures déposées depuis 1958, une seule a été adoptée, dans la nuit du 4 au 5 octobre 1962, contre l'élection du président de la République au suffrage universel. Elle avait à l'époque fait chuter le gouvernement Pompidou.
Un débat à la clé
Quel intérêt à déposer cette motion si elle n'a aucune chance d'aboutir ? Grâce à cette procédure, le groupe LR s'assure un long débat avec le chef du gouvernement Édouard Philippe, au-delà d'une simple séance de questions au gouvernement. C'est ce que réclament de nombreux députés, au sein de toutes les oppositions, depuis le début de l'affaire Benalla. Jeudi, Jean-Luc Mélenchon avait lui aussi menacé d'y recourir "puisque le gouvernement ne vient pas s'expliquer devant l'Assemblée".
Concrètement, chaque motion de censure donne lieu à un débat, 48 heures après son dépôt - celui du groupe LR devant intervenir dans les prochains jours. Ce délai est censé empêcher "les votes trop émotionnels", selon le règlement consultable sur le site de l'Assemblée nationale. La motion est ensuite discutée à l'Assemblée, entre les députés et le chef du gouvernement, qui ont ainsi l'occasion de l'interpeller sur un sujet précis. Le vote a lieu à l'issue de ce débat.