"J'ai décidé de retirer ma candidature à l'élection municipale parisienne", a annoncé Benjamin Griveaux, le désormais ex-candidat LREM à la mairie de Paris, vendredi matin. En cause : une vidéo à caractère sexuel attribuée au candidat et qui circule sur les réseaux sociaux depuis jeudi soir. Après avoir annulé ses rendez-vous médiatiques du jour - dont Europe 1 - Benjamin Griveaux a organisé une réunion de crise à 9h. "Je ne suis pas prêt à nous exposer davantage, ma famille et moi, quand tous les coups sont désormais permis, cela va trop loin", a-t-il ajouté.
"Ce torrent de boue m'a affecté mais surtout a fait du mal à ceux que j'aime"
"Un site internet et des réseaux sociaux ont relayé des attaques ignobles mettant en cause ma vie privée. Ma famille ne mérite pas cela. Personne, au fond, ne devrait jamais subir une telle violence", a encore déclaré l'ancien porte-parole du gouvernement dans une déclaration enregistrée en début de matinée au siège de l'AFP, en présence de BFM Paris. Benjamin Griveaux a aussi dénoncé le climat de la campagne. "Depuis plus d'un an ma famille et moi avons subi des propos diffamatoires, des mensonges, des rumeurs, des attaques anonymes, la révélation de conversations privées dérobées et des menaces de mort", a-t-il expliqué. "Ce torrent de boue m'a affecté mais surtout a fait du mal à ceux que j'aime. Comme si cela n'était pas suffisant, hier un nouveau stade a été franchi", a-t-il ajouté.
Un site avait diffusé mercredi soir une vidéo intime et des messages connotés adressés à une femme, affirmant qu'ils émanaient de l'ancien porte-parole du gouvernement. La page, relayée peu à peu jeudi sur les réseaux sociaux, présentait deux courtes séquences en plan serré montrant un homme non identifié en train de se masturber, ainsi que des captures d'écran de messages échangés sur le ton de la drague. Après une investiture dans la douleur par LREM, des propos injurieux à l'égard de ses concurrents relayés dans la presse, c'est finalement la publication de cette vidéo qui a eu raison de la campagne de celui que les sondages plaçaient en troisième position derrière Anne Hidalgo et la candidate LR Rachida Dati.
En marge de sa déclaration, Benjamin Griveaux a indiqué à l'AFP s'être entretenu tard jeudi soir avec le président Emmanuel Macron, qui l'a selon lui assuré de son soutien "quelle que soit sa décision", en l'invitant à protéger les siens. L'entourage du chef de l'Etat a confirmé qu'un échange avait eu lieu.
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Hidalgo et Villani affichent leur soutien à Griveaux
Le candidat a pris sa décision seul et "personne ne l'a forcé", a souligné la députée Olivia Grégoire, l'une de ses porte-parole, tandis que le monde politique s'inquiétait d'un épisode vu comme "une menace pour la démocratie". "L'attaque indigne qu'il subit est une menace grave pour notre démocratie", a ainsi tweeté l'ex-LREM et candidat dissident à la mairie de Paris Cédric Villani. La maire PS de Paris Anne Hidalgo a appelé "au respect de la vie privée et des personnes". "Les Parisiens méritent une campagne apaisée et digne", a estimé pour sa part Rachida Dati, prenant "acte" du retrait de Benjamin Griveaux et rappelant sa "détermination".
"Non, tous les coups ne sont pas permis", a pour sa part déclaré sur Twitter Jean-Luc Mélenchon, s'adressant à ses militants: "Insoumis, ne participez d'aucune façon au règlement de compte dont Benjamin Griveaux fait l'objet. [...] Refusons le naufrage voyeuriste de la vie publique du pays". "Ressaisissons-nous collectivement ou nous allons tous nous noyer dans la fange", prévient aussi l'essayiste et eurodéputé de gauche Raphaël Glucksmann.
" La décision prise par Benjamin Griveaux, je la respecte, et j'aurai l'occasion de lui exprimer directement ma sympathie et mon soutien "
Edouard Philippe a déclaré pour sa part "respecter" la décision de Benjamin Griveaux et a exprimé sa "sympathie" et son "soutien" à l'ancien porte-parole du gouvernement, vendredi lors d'une conférence de presse au Havre. "La décision prise par Benjamin Griveaux, je la respecte, et j'aurai l'occasion de lui exprimer directement ma sympathie et mon soutien", a déclaré le Premier ministre en marge de la présentation de la liste qu'il mène aux élections municipales dans la cité normande.
L'artiste contestataire russe Piotr Pavlenski, qui avait incendié la façade d'une succursale de la Banque de France en 2017, a affirmé avoir mis en ligne la vidéo. Selon Libération qui lui a parlé, il affirme la tenir "d'une 'source' qui avait une relation consentie avec Benjamin Griveaux". La séquence a été publiée "sur un site clandestin sans mention légale, hébergé aux États Unis, lié dit-on, à un activiste russe", a commenté l'avocat Richard Malka, conseil de Benjamin Griveaux, qui lui a demandé "d'engager des poursuites contre toute publication" qui ne respecterait pas sa vie privée.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Benjamin Griveaux avait présenté son programme jeudi matin devant une centaine de soutiens et ses têtes de listes dans les arrondissements. Il avait alors connaissance de la vidéo. Dans la salle, plusieurs responsables politiques brillaient par leur absence dont deux des porte-paroles, Sylvain Maillard et Marie-Laure Harel, et le patron de LREM, Stanislas Guerini, ami proche de Benjamin Griveaux. Alors que la rumeur se diffusait, l'équipe de campagne a tenté d'éteindre le feu, et a convoqué les élus et candidats vendredi à 09h au siège de LREM, "autour de Benjamin Griveaux" pour évoquer "la stratégie à tenir" et "le plan à mettre en place sur base d'une proposition".
Selon plusieurs sources au sein de LREM, les noms de la maire sortante du IXe arrondissement (ex-LR), proche d'Edouard Philippe, Delphine Bürkli, et de la secrétaire d'Etat en charge de l'Egalité femmes-hommes, et candidate en deuxième position dans le XIVe arrondissement, Marlène Schiappa, sont cités parmi les successeurs possibles de Benjamin Griveaux en tête de liste. La ministre de la Santé Agnès Buzyn, également pressentie, a redit vendredi sur France Inter qu'elle ne "pourrait pas être candidate aux municipales" en raison de son agenda ministériel "très chargé". Il y aura "quoi qu'il arrive" une liste LREM à Paris, a assuré Olivia Grégoire, qui a également promis que le nom de celui ou celle qui la mènera serait connu rapidement.