Municipales : votre maire peut-il (vraiment) faire baisser vos impôts locaux ?

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C'est une promesse souvent faite lors des municipales : celle de faire baisser les impôts locaux. Mais est-ce entre les mains du maire ? Et surtout, est-ce qu'une baisse significative est envisageable ? 

Une ville avec plus de transports en commun, plus de policiers, un gymnase tout neuf, plus de places en crèche. Et tout cela, en baissant les impôts. Voilà ce qu'on peut parfois lire dans les projets des candidats aux élections municipales. Il faut dire que ces promesses ne manquent pas d'attraits. Mais peuvent-elles seulement être tenues ? Le maire a-t-il le pouvoir de faire baisser les impôts locaux et, surtout, peut-on constater une différence sur son compte en banque ? Le Brief d'Europe 1 a mené sa petite enquête et... rien n'est moins sûr.

En réalité, trois impôts relèvent de la compétence du maire : la taxe d'habitation, la taxe foncière (réservée aux propriétaires) et des taxes économiques sur les entreprises, qui ne concernent donc pas les particuliers. Un problème surgit donc immédiatement : la première, cette taxe d'habitation qui pesait pour "un tiers des ressources fiscales des communes", comme le rappelle l'économiste Mathieu Plane de l'OFCE, a déjà été supprimé pour 80% des Français. Elle le sera intégralement, pour tous, en 2023.

La suppression de la taxe d'habitation a entamé l'autonomie fiscale des maires

Cela pose deux problèmes. D'une part, les maires n'ont, de fait, plus la main sur cette taxe d'habitation, compensée par une dotation de l'État. Ils ne peuvent plus jouer sur ce levier, et donc certainement pas promettre de la baisser. D'autre part, en dépit de la compensation étatique, leurs revenus ont, selon eux, baissé avec la suppression de la taxe.

"Même si on nous dit qu'il y a une compensation de la suppression de la taxe d'habitation, cette compensation est figée. C'est sur la base de l'année 2017. Donc elle ne tient pas compte des évolutions naturelles dans une ville. Il y a toujours des besoins qui augmentent", explique Christophe Bouillon, député et ancien maire de Canteleu, en Normandie. Celui qui est aujourd'hui président de l'Association des petites villes de France poursuit : "Il y a un peu d’inflation, les prix augmentent, etc. De la même façon, les salaires augmentent. La vraie vie, c’est que tout augmente tout le temps. Et en face, cela devient de plus en plus difficile pour un maire d’utiliser ce levier fiscal."

Autrement dit, non seulement les maires n'ont techniquement plus la main, mais en pratique, avec des revenus moindres, une baisse d'impôts est d'autant moins probable. À moins de faire des coupes sèches. "Il y a deux façons de faire", détaille Christophe Bouillon. "Rogner sur les dépenses, donc sur un certain nombre de services au public. Ou dégager moins pour investir."

Baisser l'impôt foncier, ce n'est pas pour tout le monde

Il reste cependant un autre levier : celui de l'impôt foncier. C'est celui que compte activer, par exemple, Emmanuel Darcissac à Alençon. Le maire sortant, qui se représente, soutenu par La République en marche, a fait campagne en promettant une baisse de 6% sur six ans. "On a une bonne santé financière de la ville, un faible endettement, ce qui nous permet effectivement de baisser l'impôt foncier", précise-t-il à Europe 1.

 

Les problèmes de gestion de la ville à court terme ne font pas peur à Emmanuel Darcissac. Lui mise sur un effet vertueux à plus long terme. "L'idée, c'est de créer un choc de confiance au niveau des habitants. L'objectif c'est de faire venir davantage d'habitants, davantage d'entreprises pour qu'on ait davantage de ressources et de faire baisser pour chacun sa contribution avec davantage de contributeurs."

Reste que cette baisse de l'impôt foncier ne pourra, de facto, que s'appliquer aux propriétaires. Les locataires ne verront jamais les effets de cette mesure.

Des baisses d'impôts qui restent minimes

Surtout qu'il est impossible de baisser drastiquement un impôt comme celui-ci. À cause de ce qu'on appelle la liaison des taux. "Vous avez les impôts qui pèsent sur les entreprises et les impôts qui pèsent sur les habitants. Et vous devez quand même faire en sorte qu’il n'y ait pas trop d’écart entre les deux", explique Christophe Bouillon, le président de l'Association des petites villes de France. En clair, il est impossible de réduire à peau de chagrin l'impôt foncier sans faire de même pour les entreprises.

Et quand bien même, cette baisse resterait, de toute façon, minime. Tout simplement car les impôts locaux ne pèsent pas grand chose dans la jungle des taxes françaises. "Si on prend l'ensemble des administrations publiques, l'ensemble de la sécurité sociale, on a aujourd'hui plus de 1.100 milliards d'impôts et de cotisations sociales. Les communes, là-dedans, représentent 70 milliards. Donc vous avez 6% des impôts issus des communes et 94% de l'action sur la fiscalité va se faire en dehors de la commune", explique Mathieu Plane, notre économiste de l'OFCE. "Même s'il y avait une forte baisse, cela resterait sur 6% de l'ensemble de nos prélèvements. Donc c'est très faible."

Prenons un cas fictif, avec une personne qui paie 1.000 euros d'impôts par an. En cas de baisse de 10% des impôts locaux, ce qui est énorme, cela ne représente un gain que de... 6 euros sur toute l'année.

Des enjeux intercommunaux

La solution est peut-être à aller chercher à l'échelon des intercommunalités, ces communes qui se regroupent dans une même structure légale. Car les élections municipales permettent non seulement d'élire le conseil municipal, mais aussi les personnalités qui siègeront à "l'interco". Et celles-ci (quasi les mêmes qu'au conseil municipal) ont d'autres prérogatives, comme des taxes sur les ordures ménagères, et parfois l'eau, les transports, ou certaines infrastructures comme les piscines ou les bibliothèques.

À ce niveau-là aussi, donc, un maire peut agir pour baisser les impôts. "En 2014, les enjeux intercommunaux n'étais pas très présents", pointe Christophe Bouillon. Six ans plus tard, "cela devient important dans la tête des habitants."

Même au niveau de l'intercommunalité cependant, une baisse n'aura qu'un effet limité. Pour constater une vraie différence sur son compte en banque, mieux vaut donc miser... sur la présidentielle.