Parrainages : la pression monte pour les petits candidats

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Désormais, l'ensemble des parrainages sont rendus publics. © MYCHELE DANIAU / AFP
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Romain David , modifié à
Les prétendants à l’élection présidentielle n’ont plus qu’un mois pour déposer leurs 500 parrainages obligatoires. Mais les candidats les plus modestes s’insurgent contre les nouvelles règles.

Étape obligée de chaque élection présidentielle, la chasse aux 500 parrainages peut vite tourner au casse-tête pour les petits candidats, qui ne peuvent pas s’appuyer sur le personnel élu d’un grand parti. Un mois avant la date butoir du 17 mars, les équipes de campagne des uns et des autres redoublent d’énergie pour décrocher ce sésame nécessaire pour pouvoir présenter sa candidature à l’investiture suprême.

Les poids moyens aux portes de la qualification

Après avoir craint un temps de ne pas y arriver, Jean-Luc Mélenchon a pu pousser un soupir de soulagement début janvier, annonçant avoir finalement récolté 517 promesses de signature. "Ces parrainages, du coup, stoppent un débat : je serai candidat quoiqu'il arrive", a déclaré le candidat de la France insoumise, qui a pu bénéficier de l’appui du PCF.

L’inquiétude s’éloigne aussi des rangs de la campagne de Yannick Jadot, le candidat d’EELV qui ne disposait mi-janvier que de 250 engagements. Un mois plus tard, l’eurodéputé réunit désormais 450 promesses de parrainage. "On est rassurés, mais pas sereins. Il faut compter sur plus de 500 parrainages pour garantir une candidature", estime auprès d’Europe 1 Julien Bayou, le porte-parole du candidat, évoquant la marge des promesses susceptibles de s’envoler et celles qui peuvent être invalidées. Si la situation s’est débloquée pour les écologistes, "ça ne reste pas évident", confie le conseiller régional, décrivant une récolte plus difficile que les années précédentes. Ayant vu son nombre d’élus baisser depuis 2012, EELV a notamment dû se tourner vers des maires sans-étiquette, "et qui prennent plus de temps pour se décider".

Le FN, qui avait échoué à atteindre le seuil fatidique en 1981, et qui depuis agite régulièrement la menace d’un renoncement contraint, devrait cette année franchir cette étape sans difficultés. Le parti de Marine Le Pen, qui a progressé dans la plupart des élections intermédiaires depuis 2012, peut aujourd’hui s’appuyer sur quelque 400 élus.

La réforme des parrainages inquiète les petits candidats

Néanmoins, de nouvelles règles en matière de parrainages pourraient bien rebattre les cartes du jeu pour d’autres habitués de la présidentielle. En effet, la loi du 25 avril 2016 a mis fin à l’anonymat des signatures, qui ne peuvent plus être déposées par les candidats au Conseil constitutionnel, mais doivent être directement adressées aux Sages par les élus locaux. Pour la première fois, le Conseil publiera deux fois par semaine, sur Internet, le mardi et le vendredi, l'intégralité des parrainages reçus pour chaque candidat. Les formulaires de parrainage arrivant dans les boîtes aux lettres des élus à partir du 25 février, les premières publications devraient apparaître le 28. D’ici là, les postulants devront donc se contenter de simple "promesses" de parrainage. Les listes seront clôturées le 17 mars à 18 heures.

Mais ces mesures, destinées à mettre fin aux faux suspens et à valoriser la transparence, sont largement dénoncées par les postulants de plus petite envergure, même rodés à l’exercice, et qui y voient une barrière aux candidatures extérieures aux grandes mouvances politiques.

"Ça sera plus dur pour les candidats contestataires", a relevé auprès de L’Express Karel Vereycken, le porte-parole de Jacques Cheminade, estimant qu’avec la réforme "les candidats avec beaucoup de signatures risquent  d'attirer d'autres parrainages car ils seront considérés comme plus légitimes que les autres". Si le candidat surprise de 2012 réussit encore à se qualifier pour 2017, ce sera de justesse, ont confié ses équipes au Figaro

Nicolas Dupont-Aignan, le candidat de Debout la France, qui refuse de donner le nombre de promesses obtenues, avait réussi à candidater en 2012 mais avait dû renoncer cinq ans plus tôt. Selon lui, la nouvelle loi sur les parrainages "va renforcer la pression aux subventions sur les élus", a-t-il déclaré dans les colonnes de L’Express. Un argument que l’on retrouve aussi à l’extrême-gauche de l’échiquier politique.

Dans l’équipe de Philippe Poutou, le candidat du NPA, on estime en effet que la transparence a accru la pression que peuvent exercer certains grands élus sur les petits maires. "Avec la baisse des subventions d’Etat aux communes, les parrainages sont devenus plus compliqués à obtenir chez les maires des petites municipalités, qui sont plus dépendants des subventions accordées par les communautés d’agglomération et les régions, et donc plus dépendants de leurs présidents", avance une militante en charge de la récolte des parrainages. "C’est difficile. On ne fait pas du cinéma lorsque l’on dit que l’on est inquiet", insiste-t-elle face aux réticences des élus. À son compteur : "entre 250 et 300" promesses de parrainages pour le candidat-ouvrier.

"On va se battre jusqu’au bout"

La quête se poursuit aussi chez Lutte ouvrière où l’on refuse de dévoiler le nombre de parrainages que Nathalie Arthaud serait susceptible de glaner. "On va se battre jusqu’au bout", martèle néanmoins un responsable qui estime que d’ "un point de vue administratif, la réforme met des bâtons dans les roues" des candidats, qui ne peuvent plus garder la main sur la récolte de leurs parrainages, et devront donc se contenter des décomptes publiés par le Conseil constitutionnel.

"On n'aura aucune traçabilité", renchérit Antoine Bonfils, le directeur de campagne de Charlotte Marchandise-Franquet, candidate investie par le vote citoyen de la plateforme LaPrimaire.org. Il ne cache pas non plus sa "grosse crainte sur des loupés logistiques". "On aura aucun retour sur les erreurs qui auront éventuellement été faites par les élus. Est-ce que, par exemple, le Conseil va nous avertir si un élu a oublié de mettre le tampon de sa mairie sur le formulaire ?". Pour le moment, la candidate-citoyenne est assurée d'avoir 42 signatures, révèle-t-il, auxquelles viennent s'ajouter "300 promesses".

Du coté de Michèle Alliot-Marie, on refuse de communiquer sur les parrainages, "pas tant que l’on n’est pas certains d’avoir atteint les 800 promesses écrites", explique son directeur de cabinet Florimond Olive. Il assure cependant que la quête "se passe très bien" pour l’ancienne ministre des Affaires étrangères. Selon lui, les réticences de certains élus viennent d’abord des entraves imposées par les familles politiques : "La multiplication des candidats hors parti et susceptibles d’obtenir leurs 500 parrainages, comme Mélenchon ou Macron, effraye les candidats socialistes et LR".

Egalement issu des rangs LR, Henri Guaino n’avait pas pu, faute de parrainages, se présenter à la primaire de son camp en novembre. "Je me suis battu pour avoir des parlementaires. J’en ai presque atteint le chiffre [Vingt pour participer à la primaire de la droite et du centre, Ndlr], puis ils sont partis un par un…", avait-t-il déploré. Candidat malgré tout à la présidentielle, l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy a-t-il les moyens de conjurer le sort ? Contacté par Europe 1, Henri Guaino a fait savoir qu’il n’était pas en mesure de donner suite à nos sollicitations. Egalement jointe par Europe 1, Rama Yade, qui revendiquait sur LCP en janvier 300 promesses de parrainages, "dans les zones rurales et où le Front national est très fort", n’a pas non plus donné suite à notre appel. Début de verdict d’ici une dizaine de jours.