Il n'est pas dit que le congrès de Poitiers entre dans les annales du Parti socialiste. Au contraire, alors que le vote sur les quatre motions présentées aux militants a lieu jeudi jusqu'à 22 heures, le grand raout du parti au pouvoir ressemble clairement à un non-évènement, tant le suspense est faible. Depuis le ralliement de Martine Aubry à la motion portée par le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, le sentiment que les carottes sont cuites prédomine dans les sections socialistes.
Le congrès, mode d'emploi. Un congrès, c'est un peu l'élection présidentielle interne du PS. Les 131.000 militants "actifs", selon le chiffre donné par le parti, sont appelés à voter jeudi sur quatre textes programmatiques, les motions, qui comportent chacun une liste de signataires. L'ordre d'arrivée fait peu de doute. La motion A, portée par Jean-Christophe Cambadélis, signée par Manuel Valls et la quasi-totalité de ses ministres, devrait logiquement s'imposer. La motion B, celle des "frondeurs" et de l'aile gauche du PS, tente de porter le fer, avec à sa tête le député Christian Paul. La motion D, menée par la députée Karine Berger, cherche à proposer une troisième voie au milieu du duel gouvernement/frondeurs. Quant à la motion C, qui n'a été signée par aucun parlementaire, elle espère un score honorable.
Au-delà des propositions contenues dans les motions, le vote des militants couronnera aussi les uns et les autres. La semaine prochaine, les premiers signataires des deux motions arrivées en tête s'affronteront lors d'un "second tour" qui désignera le premier secrétaire du PS. Par ailleurs, le score de chaque motion déterminera le poids de ses représentants dans les instances nationales et les fédérations locales. Crucial, à deux ans de l'élection présidentielle.
Très peu de suspense. Le congrès aurait pu se transformer en match haletant si Martine Aubry, qui ne s'est pas privée de critiquer vertement le gouvernement ces derniers mois, s'était lancée dans la course. Mais Jean-Christophe Cambadélis, avec l'aide précieuse de François Hollande, est parvenu à rallier la maire de Lille. Et aucun autre poids lourd du parti ne s'est décidé à défier le premier secrétaire.
Finalement, la seule inconnue porte sur le score qu'obtiendra la motion Cambadélis, dans un contexte de désaffection des adhérents. Le premier secrétaire se satisferait de "50,1%" des voix, a-t-il déclaré. Autrement dit, tout l'enjeu pour lui est de s'assurer que la majorité du parti se place dans sa roue et celle de l'exécutif. Pas forcément gagné. "C'est tout à fait possible que Cambadélis n'obtienne pas 51%", explique à Europe 1 le politologue Gérard Grunberg, bon connaisseur des arcanes socialistes.
Un débat tué dans l’œuf. "Les cadres nous ont vendu un congrès tout fait. Cela n'a pas plu aux militants et explique que Cambadélis n'ait pas réussi à créer une dynamique", fait valoir pour sa part Karine Berger, de la motion D. Chez les frondeurs aussi, on déplore le manque de débat. Christian Paul, qui s'est vu refuser sa demande d'un débat télévisé, a accusé Jean-Christophe Cambadélis de "fermer les portes et les fenêtres". L'aile gauche dénonce aussi la contradiction entre les propositions inscrites dans la motion A et la position de certains ministres qui l'ont signée. Ainsi Michel Sapin a-t-il fait savoir que la réforme fiscale promise par le texte n'aurait pas lieu. Le genre de déclaration qui fait désordre...
"Je propose un texte dont les objectifs sont clairs. Personne n'est obligé de le signer", rétorque Jean-Christophe Cambadélis, jeudi dans Le Parisien. Le premier secrétaire insiste aussi sur le rassemblement nécessaire, invitant les militants socialistes à arrêter "de se regarder le nombril". On connaîtra la réponse des intéressés vendredi, vers midi, heure de publication des résultats du vote.