Manuel Valls l’a promis. Le Premier ministre ira "jusqu’au bout" de la réforme du droit du travail portée par sa ministre Myriam El Khomri. Il trouvera sur son chemin les 345.000 signataires (à ce jour) de LA pétition "successful" du moment. Mais qui se cache derrière ce texte, intitulé "Loi travail : non, merci !", mis en ligne jeudi soir sur le site Change.org ?
- Comment est née la pétition ?
C’est un petit groupe de militants, activistes et syndicats emmené par la féministe et encartée au PS Caroline De Haas qui décide de monter au créneau dès les premières révélations sur la loi El Khomri, mercredi 17 février. "Lorsque l’on a eu connaissance du projet, on en croyait pas nos yeux", raconte à Europe 1 Elliot Lepers, un spécialiste du numérique, écologiste convaincu et à l’origine avec d’autres de l’appel à la primaire à gauche. "On était atterré d’imaginer qu’un gouvernement de gauche puisse faire un programme du Medef", poursuit-il.
Très vite, l’idée de la pétition est lancée car "c’est très simple et populaire". Le texte est mis en ligne jeudi soir sur le site Change.org et officiellement lancé vendredi à 14 heures. "Ça a mis quelques heures à décoller, le temps des premiers articles et de la dépêche AFP", explique Elliot Lepers. Puis c’est l’affolement, "en ce moment, on en est à une centaine de signatures par minute", s’enthousiasme-t-il. Un site, Loitravail.lol, est aussi lancé en parallèle afin "de décrypter les 16 mesures plus inimaginables de ce projet de loi" tout comme une page Facebook.
- Quelle stratégie de communication ?
Tout le monde peut lancer des pétitions sur Change.org. Le site ne délivre aucune autorisation préalable. Ce n’est qu’a posteriori que les équipes de la plateforme identifient les pétitions "à potentiel", notamment celles en lien avec l’actualité. Lorsque ces dernières découvrent la pétition contre la loi El Khomri, elles prennent contact avec Caroline De Haas.
Leur mission, comme pour chaque pétition à succès, "remobiliser les signataires". Comme le confirme Elliot Lepers, Change.org vient ainsi en soutien pour l’écriture des mises à jour de la pétition. Ces mises à jour sont en effet envoyées par mail à tous les signataires. Aucun argent n’a été investi pour booster la pétition. La seule chose que propose Change.org, c’est l’option parrainage qui consiste, pour un signataire qui le souhaite, à partager la pétition en versant une petite somme d’argent afin que le site la propose à ses utilisateurs. Mais selon Elliot Lepers, cette option a été "décochée".
Du jamais-vu. Chez Change.org, on a en tout cas jamais vu ça. Sur la seule journée de lundi, plus de 107.000 personnes ont signé la pétition, révèle à Europe 1 Sarah Durieux, la directrice adjointe des compagnes. De fait, le texte est la troisième pétition la plus signée de l’histoire du site, juste derrière celle sur le secret des affaires d’Elise Lucet et celle sur la grâce de Jacqueline Sauvage. Et au vu de la dynamique que connait la pétition, cela n’est pas près de s’arrêter. "Il y a un effet boule de neige", décrypte Sarah Durieux.
- Comment expliquer ce succès ?
Pour cette dernière, même "s’il y a une part de mystère dans le buzz", plusieurs ingrédients sont à prendre en compte. D’abord, "la question de l’actualité/réactivité" qui est clé : "si la pétition avait été lancée une semaine plus tard, ce n’est pas sûr qu’elle ait connu le même succès". Ensuite, "il y a le message clair et simple que l’on retrouve dans cette pétition". Il y a aussi "les éléments de la viralité avec les hashtags sur Twitter, celui de LoiTravail a très bien pris". Enfin, il y a "le fond", indispensable : "là, on une réforme qui fait beaucoup discuter et que certains analysent comme un changement de positionnement du gouvernement".
- Quelle est la prochaine étape ?
"On est en train de réfléchir sur la suite de la pétition", révèle Elliot Lepers, en évoquant notamment la réunion mardi soir avec l’intersyndicale. La CGT a, en effet, convier neuf syndicats pour échanger sur "l'analyse sociale, économique et politique" de la France. "La mobilisation avec les syndicats va prendre le relais", assure le jeune homme. "Ce projet de loi est encore en amont de la décision, de la présentation au conseil des ministres et devant l’Assemblée nationale. De coup, avec la pétition, les gens se disent qu’ils peuvent influencer les décideurs. C’est encore un autre élément de la viralité", conclut Sarah Durieux. Quand le terrain virtuel rejoint celui des syndicats.