Gérard Collomb passe son grand oral. Jeudi après-midi, dans le grand amphithéâtre de l'École militaire, devant 500 policiers et gendarmes, le ministre de l'Intérieur va enfin lever le voile sur sa "Police de sécurité du quotidien". Durant la campagne, Emmanuel Macron avait promis, dans le sillage de l'affaire Théo, la mise en place d'une nouvelle police, plus proche des attentes des citoyens, pour "lutter contre les délits, les nuisances et les incivilités". Le locataire de la place Beauvau est très attendu par les 250.000 policiers et gendarmes, mais aussi par la centaine de maires qui ont fait acte de candidature pour que leur ville bénéficie de la "PSQ".
Dans l'entourage du ministre, on assure que ce sera un "temps fort" du quinquennat. Gérard Collomb ne se contentera pas de prononcer un discours, il donnera la parole à une quinzaine d'acteurs de terrain, de tout grade. Objectif : montrer que la police de sécurité du quotidien n'est pas seulement une promesse de campagne mais l'aboutissement d'une vaste et fructueuse "concertation".
Une police "sur mesure". Plus de 70.000 questionnaires de policiers et de gendarmes ont été triés et analysés par un institut de sondage. Les syndicats, eux aussi, ont été invités à présenter leurs propositions mais ils ne savent pas ce qui a été retenu. Ils connaissent juste les grands principes : une police "sur mesure", mieux équipée, plus connectée et plus efficace. Selon nos informations, et contrairement à ce qui avait été annoncé à l'automne, il n'est plus question de lancer une "expérimentation" dans une quinzaine de sites. Tout le monde aura droit à sa PSQ, mais pas en même temps et pas forcément de la même manière.
Dans un premier temps, des moyens humains devraient être redéployés dans quelques dizaines de "territoires prioritaires". Des moyens techniques aussi, avec un gros effort sur l'informatique. Mais au-delà des moyens, c'est la méthode qui doit changer, avec davantage de décentralisation pour redonner le pouvoir au niveau local et développer des partenariats. Du cote des syndicats de police, on demande à voir.
L'ombre de la police de proximité, bête noire de la droite. Coté politique, cette mesure sécuritaire divise la droite et la gauche depuis 1997, date de la création de la police de proximité par Lionel Jospin. Nicolas Sarkozy l'avait même démantelée en 2003. "La police n'est pas là pour organiser des matchs de rugby dans les quartiers mais pour arrêter les délinquants !", avait-il lancé à l'occasion d'un déplacement à Toulouse, devant Jean-Pierre Havrin, alors directeur départemental de la sécurité publique de Haute-Garonne et l'un des instigateurs de la police de proximité.
Des années après, les mots changent, mais les vieux clivages demeurent. "Police de proximité", aujourd'hui "police de sécurité du quotidien", avant même d'en connaître le contenu, la droite n'en veut pas. Pour Eric Ciotti, elle est le symbole de l'échec de la politique sécuritaire de la gauche. "On voit bien que l'on va revenir à la bonne vieille police de proximité qui avait conduit à une explosion de la délinquance. Pour moi, les policiers doivent avoir en priorité une mission d'investigation et d'interpellation, et pas seulement d'intermédiaire entre la population et les délinquants", fustige le député des Alpes-Maritimes au micro d'Europe 1.
Le style Collomb inquiète la gauche. La gauche, elle, pourrait applaudir. François Hollande s'était dit favorable à son rétablissement lors de la campagne de 2012. L'idée avait été reprise cinq ans plus tard par Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. Mais le chef de file des députés socialistes, Olivier Faure, se montre sceptique après les récentes déclarations du ministre de l'Intérieur. "On a l'impression que c'est plutôt du replâtrage, de la communication, mais ça ne correspond pas à ce que fut la police de proximité : une police importante dans les quartiers et qui permet de faire de la prévention", relève l'élu. Bref, une mesure héritée du socialisme, revisitée par le macronisme, et qui ne va pas manquer de faire de nouveau débat.