Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a qualifié lundi son procès d'"infamie" pour lui et pour ses "proches", lors de sa première prise de parole devant la Cour de Justice de la République (CJR) qui le juge pour conflit d'intérêts. "Jusqu'à ces dernières heures, je ne me suis pas défendu", a déclaré le ministre à la barre, "au fond pour ne pas que mon ministère et mon action soient éclaboussés". "J'entends me défendre dignement, complétement, mais j'entends me défendre fermement".
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"Une épreuve, mais aussi un soulagement"
Pendant l'énoncer des faits, 1h40 de récit très détaillé, la députée insoumise Daniel Obono, en robe de magistrat, s’assoupit. L’élu écologiste Julien Bayou, lui, mâchouille un chew-gum, les yeux sur son téléphone.
"Vous aviez dit attendre sereinement de vous expliquer", venait de lui lancer en terminant sa lecture du rapport sur les faits le président de la CJR, Dominique Pauthe, "je crois, Éric Dupond-Moretti, que le moment est venu". "Je pense qu'on reviendra longuement sur l'ensemble des éléments que vous avez évoqués", a commencé le garde des Sceaux à la barre, après avoir réglé les micros à sa hauteur.
"Je voudrais brièvement vous dire dans quel état d'esprit je me trouve devant vous... Pour moi et pour mes proches, ce procès est une infamie", a-t-il dit d'une voix calme. "C'est bien sûr une épreuve mais c'est aussi un soulagement parce que je suis venu me défendre", a ajouté le ministre, arguant que "pendant trois ans et demi" on avait "piétiné (sa) présomption d'innocence" avec des "mensonges", des "contrevérités", parfois des "injures".
Jugé pour "prise illégale d'intérêts"
Éric Dupond-Moretti, jugé pour "prise illégale d'intérêts", est soupçonné d'avoir utilisé sa fonction de ministre pour régler des comptes avec quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était avocat. Un dossier inédit, qui fait de lui le premier ministre de la Justice en exercice à être jugé.
"Monsieur le président, ce procès à mes yeux est d'abord un procès en illégitimité", a aussi dit l'ex-vedette du barreau, rappelant que les syndicats de magistrats, à l'origine de la plainte déposée contre lui, avaient qualifié sa nomination place Vendôme à la surprise générale en juillet 2020 de "déclaration de guerre". "J'ai été avocat trente-six ans, certains avocats m'ont reproché de ne plus l'être, certains magistrats de l'avoir été", a-t-il aussi avancé. "Naturellement", a-t-il conclu, "je répondrai à toutes les questions".
L'audience a été suspendue et reprendra mardi à 9 heures par l'interrogatoire d'Eric Dupond-Moretti. Son procès est prévu jusqu'au 16 novembre, la décision de la CJR devrait être mise en délibéré.