Quel écolo est donc François de Rugy ? À 44 ans, le président de l'Assemblée nationale, ancien EELV converti à la Hollandie, puis la Macronie, s'apprête à entrer au gouvernement pour la première fois. Il a été nommé mardi ministre de la Transition écologique et solidaire pour remplacer Nicolas Hulot. Un poste difficile, qui mettra à rude épreuve les convictions que le député de Loire-Atlantique égraine depuis plus de vingt ans.
Contre le nucléaire
Sa participation à la primaire de la gauche, début 2017, avait permis à François de Rugy d'exposer ses ambitions en matière d'écologie. Dans son programme, il défendait notamment un objectif de 100% d'énergies renouvelables d'ici à 2050, atteignable selon lui en réinvestissant les 100 milliards d'euros que coûterait la prolongation des centrales nucléaires. Le fondateur du Parti écologiste comptait également reconvertir et reclasser les salariés du nucléaire d'EDF et considérait la fermeture des centrales à fuel ou à charbon comme un "impératif climatique".
Des ambitions que le nouveau ministre de la Transition écologique devrait revoir à la baisse, tant le gouvernement ne s'est, jusqu'ici, pas orienté dans cette voie. Fin 2017, Nicolas Hulot avait été obligé d'annoncer que le délai de 2025 pour réduire la part du nucléaire à 50% dans la production d'électricité ne serait pas tenu. À l'époque, François de Rugy s'était dit "déçu que, depuis des années, on ait sans cesse repoussé les échéances". Président de l'Assemblée nationale, il disait en avoir "ras-le-bol des lois d'affichage". "On ne peut pas rester dans ce système où des lois sont votées, mais pas appliquées", expliquait-il sur BFM TV. "Je pense qu'il va falloir donner des instructions plus claires à EDF que cela a été fait les cinq dernières années" et se fixer "un objectif sur cinq ans, pour 2022, puis ensuite pour 2027".
"On n'a aucun doute sur les convictions [de François de Rugy] en faveur des énergies renouvelables", salue Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables, pour qui la nomination de l'ancien Vert est "un bon choix". Pour Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, François de Rugy a bien "un passé engagé sur l'environnement, notamment avec ses prises de positions anti-nucléaire". Mais "sans changement de la part d'Emmanuel Macron et d'Edouard Philippe, il y a très peu de chances que François de Rugy fasse mieux que Nicolas Hulot".
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Du côté des Jeunes Ecologistes, on est plus sévères encore. "Il y a un décalage entre des objectifs ambitieux présentés en 2017 et une entrée dans un gouvernement qui ne fait pas grand-chose à part la fermeture de Fessenheim", souligne Théo Garcia-Badin, secrétaire fédéral du mouvement, auprès d'Europe1.fr. "Par ailleurs, François de Rugy n'a jamais remis en cause le financement des énergies fossiles."
Pression sur la grande distribution
Lorsqu'il était candidat à la primaire en 2017, François de Rugy proposait aussi de faire un pacte concerté mais contraignant avec la grande distribution. Un pacte qui fixerait "des objectifs en matière de ventes alimentaires (seuil minimal de 25% de produits bio), de proximité géographique des fournisseurs (pour favoriser les circuits courts) et de conditions de travail (pour limiter les contrats incomplets et les horaires de travail mités)". Si son programme ne détaillait pas les modalités de mise en œuvre de ce dispositif, il mentionnait tout de même des sanctions financières contre les acteurs de la grande distribution qui ne se soumettraient pas à ces contraintes.
Là encore, cette proposition s'accorde mal avec les orientations libérales du quinquennat Macron. Elle paraît bien plus ambitieuse que ce qui était sorti des Etats généraux de l'Alimentation, fin 2017, Etats généraux que Nicolas Hulot avait déjà boycottés en estimant que "le compte n'y est pas".
Voitures électriques et chauffage au bois
Autres propositions de François de Rugy : faire en sorte que tous les véhicules neufs vendus soient électriques ou hybrides en 2025, ou encore interdire progressivement le chauffage au bois en prévoyant des aides à la conversion. À Reporterre, en 2015, le député de Loire-Atlantique confiait être pour une écologie "pragmatique", "responsable" et "démocrate". "Je suis pour une écologie qui passe par des compromis. C'est certes un peu plus long."
" François de Rugy est un environnementaliste qui défend une écologie à la marge, et pas un changement de paradigme. "
Si Nicolas Hulot, en démissionnant, a souligné l'urgence de la situation et l'impossibilité de prendre son temps, François de Rugy, lui, semble plutôt sur le tempo du gouvernement. Ce qui ne ravit pas les militants écologistes plus pressés, à l'instar de l'ONG 350.org. Celle-ci a regretté mardi, dans un communiqué, que le nouveau ministre de la Transition écologique soit "appelé à devenir figure de proue de la politique des petits pas, qui ne se différencie en rien du déni climatique et environnemental".
"Le pragmatisme, ce n'est pas de poursuivre dans un système qui nous mène droit à la catastrophe", assène Théo Garcia-Badin des Jeunes Ecologistes. Pour lui, François de Rugy est plus un "environnementaliste", qui "défend une écologie à la marge, et pas un changement de paradigme. Il s'inscrit totalement dans un système capitaliste productiviste."
Opposition à Notre-Dame-des-Landes
François de Rugy s'est également illustré par son opposition à Notre-Dame-des-Landes, exprimée avant son arrivée au Perchoir puis de nouveau après. Cependant, le député de Loire-Atlantique avait aussi reconnu le résultat de la consultation menée en 2016, et qui avait abouti à la victoire des partisans du projet. Et ce, alors même que le périmètre de la consultation était contesté. "On ne l'a pas entendu là-dessus et il a immédiatement accepté le vote, contrairement à Nicolas Hulot", note Théo Garcia-Badin.
Le secrétaire fédéral des Jeunes Ecologistes pointe également tous les sujets sur lesquels François de Rugy ne s'exprimait pas, ou plus, comme "les droits des animaux, la chasse", ou encore le projet de Montagne d'or en Guyane (en juin dernier, le président de l'Assemblée nationale lâchait sur France Info ne "pas savoir si c'est un bon ou un mauvais projet"). "En fait, cela fait quatre ans qu'on n'entend plus de Rugy sur l'écologie, en vue de préparer une entrée au gouvernement." Pour Théo Garcia-Badin, "un Hulot cadenassé est toujours plus ambitieux qu'un de Rugy volontaire".