Le Monde a révélé vendredi l’identité de "l’ami" qui a offert deux costumes à François Fillon. Selon le quotidien, il s’agit de Robert Bourgi, pilier controversé de la "Françafrique". Les enquêteurs seraient en possession de documents attestant que l'avocat franco-libanais avait commandé deux costumes le 7 décembre, chez un tailleur de luxe parisien, pour le vainqueur de la primaire de la droite et du centre. Les vêtements ont été réglés le 20 février.
L'enquête sur de possibles emplois fictifs familiaux, qui a valu à François Fillon d'être mis en examen en pleine campagne présidentielle, a été étendue aux conditions dans lesquelles des costumes de luxe lui ont été offerts. Robert Bourgi a confirmé ces révélations à BFMTV, précisant qu’il s’agit de "cadeau" et qu’il n’attendait "rien en retour".
Une incarnation de la "Françafrique". Cet avocat est loin d’être un inconnu. Robert Bourgi, fils d’un gaulliste, est un pilier de la "Françafrique", du nom de la relation controversée établie entre la France et ses anciennes colonies en Afrique. "Il est l’incarnation d’un véritable archaïsme post-colonial. Il rend des services, on lui en rend. C’est ce qu’on appelle du trafic d’influence", soutient Vincent Hugeux, journaliste à l’Express spécialiste de la Françafrique, interrogé par Europe 1.
"Tout son talent est de convaincre ses interlocuteurs français et africains qu’ils ont besoin de son carnet d’adresses. Son réseau est indéniable, mais il a aussi un passé." Robert Bourgi est ainsi notoirement connu pour ses liens de proximité avec de nombreux chefs d’Etat africain, dont Omar Bongo, président du Gabon de 1967 à sa mort en 2009. "Bongo était son client (..) peut-être son ami, et en tout cas le parrain de la petite fille qu’il a eue, tardivement, d’une liaison adultérine", écrit Le Monde dans un portrait écrit en 2009.
Proche de la droite depuis de nombreuses années. Robert Bourgi est également introduit depuis de nombreuses années auprès de la droite, dont il a été un conseiller occulte sur plusieurs décennies. Dès 1978, il se rapproche de Jacques Chirac, alors Premier ministre, écrit Le Monde. Une relation qui durera quand ce dernier accédera à la présidence. "En septembre 2011, il se vante d’avoir fait du transport de mallettes de cash au profit du tandem Chirac-Villepin, pour ensuite se rétracter en partie. Il connaît beaucoup de secrets des arrière-cuisines de la République", raconte Vincent Hugeux.
Robert Bourgi a également été un proche de Nicolas Sarkozy, rencontré dès 1983. Devenu président de la République, le candidat malheureux à la primaire de la droite lui remet même en personne la Légion d’honneur, fin 2007. "On ne se demande jamais s’il va trahir, mais qui et quand. Il va être successivement sarkozyste, villepiniste, puis à nouveau sarkozyste", précise Vincent Hugeux. "Il va ensuite tenter de séduire sans succès Alain Juppé avant de finalement se placer auprès de François Fillon." Robert Bourgi s’est rapproché du candidat de la droite en 2012, lui ouvrant notamment son carnet d’adresses. "Il avait notamment contribué à l’organisation de son voyage (de François Fillon) au Sénégal, puis en Côte d’Ivoire", écrit le quotidien du soir. Une relation qui est, aujourd’hui, au cœur de la polémique.