Jeudi, l'hémicycle de l'hôtel de région à Ajaccio a vécu une scène plutôt surprenante. Le nouveau président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, et le patron du conseil exécutif, Gilles Simeoni, ont tous deux livré des discours en langue corse aux accents très indépendantistes. De quoi faire bondir certains responsables politiques du continent.
Ce qui s'est passé. Tout juste élu président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni prévient dans son discours qu'il va lui falloir "dire quelques mots au nom de cette partie du mouvement national qui n'a jamais accepté de reconnaître le principe de la tutelle française sur la Corse, au nom de tous ceux qui depuis 1768 n'ont cessé de combattre pour que la Corse demeure une nation, au nom de ceux qui n'ont jamais renoncé à l'idée d'indépendance". Et l'indépendantiste de demander "l'amnistie des prisonniers et des recherchés". "Demain, les portes des prisons s'ouvriront et personne ne pourra s'opposer à cette volonté populaire", conclut-il.
Gilles Simeoni, qui a lui alterné le corse et le français, a défendu l'existence du peuple corse "qui sera reconnu, parce cela est conforme à l'histoire et au droit", avant de lancer ce message en forme d'avertissement : "je dis à Paris, au gouvernement et à l'Etat : prenez la mesure de la révolution démocratique que la Corse vient de vivre". Les neuf membres du conseil exécutif ont ensuite prêté serment sur La Justification de la révolution de Corse, écrit par le général Pascal Paoli, considéré comme le père de la Nation corse.
Les responsables politiques du continent s'insurgent. Pour les responsables politiques de droite comme de gauche du continent, c'en est trop. Invité d'Europe 1 Midi vendredi, Jean-Pierre Pierre Chevènement s'est dit "choqué" par le discours d'investiture de Jean-Guy Talamoni. L'ancien ministre de l'Intérieur refuse, par ailleurs, l'adoption du Corse comme langue officielle aux côtés du français, qui risquerait de provoquer "un éclatement de l'espace national". Sur Europe 1 toujours, le secrétaire d'Etat chargé du Parlement, Jean-Marie Le Guen a déclaré que "la République n'a pas l'intention de baisser les bras et (que) la loi sera la même pour tous, y compris en Corse".
Sur BFMTV vendredi matin, Jean-Luc Mélenchon a lui affirmé que s'il "aimait la Corse", il se sentait "un peu offensé quand le président d'une assemblée française ne parle pas dans la langue que je comprends". Le numéro deux du Front national Florian Philippot a lui écrit sur Twitter : "dans les institutions de la République, il faut plus encore qu'ailleurs défendre et promouvoir la langue française, notre trésor !"
Dans les institutions de la République il faut plus encore qu'ailleurs défendre et promouvoir la langue française, notre trésor ! #Corse
— Florian Philippot (@f_philippot) December 17, 2015
Vendredi après-midi, c'était au tour de François Fillon de réagir via un communiqué. L'ancien Premier ministre explique que même si cette nouvelle majorité "bénéficie de la légitimité de l'élection", "cela ne l'autorise en aucun cas à s'exonérer du respect de la loi et à proférer vis-à-vis de la France des invectives dignes de l'agitation clandestine que l'on croyait révolue". Il demande "de la part du chef du gouvernement un ferme rappel à la loi et de la part du chef de l'Etat une réaction claire concernant l'unité de la nation française".
.@manuelvalls les insultes faites à l’histoire de notre pays méritent de votre part un ferme rappel à la loi https://t.co/SGWdpZmdJO#Corse
— François Fillon (@FrancoisFillon) December 18, 2015
Comment réagit le gouvernement ? De son côté, Matignon a indiqué dans un communiqué que Manuel Valls avait appelé Gilles Simeoni et a promis de maintenir un "dialogue serein, constructif et apaisé" avec l'élu nationaliste. "Il l'a assuré de la disponibilité du gouvernement pour contribuer au développement économique de l'île notamment dans le cadre des engagements du programme exceptionnel d'investissement. Il a également réaffirmé que la sécurité en Corse restait une priorité du gouvernement", indiquent les services du Premier ministre. Ce dernier devrait rencontrer Gilles Simeoni "prochainement pour examiner l'ensemble des projets communs".