François Hollande a réussi son coup. Pour composer sa dernière équipe gouvernementale avant la présidentielle de 2017, le chef de l’Etat souhaitait élargir sa base aux écologistes. Il avait fait de Nicolas Hulot sa priorité. En vain. Le président de la République a tout de même réussi à convaincre trois d’entre eux d'entrer au gouvernement. Avec certes des dissidents, comme Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili, qui ont quitté Europe Ecologie-Les Verts à l’été 2015, mais aussi et surtout avec Emmanuelle Cosse, jusqu’alors secrétaire nationale du parti écologiste, et qui a quitté son poste.
- Cosse, la prise de guerre
Un coup dur pour EELV… Il y a encore quelques jours, l’idée de faire entrer Emmanuelle Cosse au gouvernement avait tout d’une incongruité, tant la patronne des Verts pouvaient se montrer sévère avec le gouvernement Valls. Puis au fil des heures, jeudi, l’hypothèse a pris corps, jusqu'à l’officialisation de sa nomination au ministère du Logement en milieu d’après-midi. Sur Twitter, la principale intéressée s’est dite "heureuse de poursuivre (s)on engagement pour une écologie en action".
La confiance du Président de la République m'honore. Heureuse de poursuivre au #Gouvernement mon engagement pour une écologie en action.
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) 11 Février 2016
La prise de guerre est conséquente pour François Hollande et Manuel Valls. Depuis la nomination de l’actuel Premier ministre en mars 2014, aucun écologiste n’était présent dans le gouvernement, et le couple exécutif parvient là sans conteste à élargir sa base politique. Surtout, il sème un peu plus le trouble au sein des écologistes. Europe Ecologie-Les Verts avait déjà subi des défections à l’été 2015, certains jugeant l’intransigeance du parti à l’égard de l’exécutif contre-productif. Mercredi encore, les porte-paroles d’EELV avaient affirmé que les conditions n’étaient "pas réunies" pour un retour d’un de leurs membres au sein du gouvernement. Et c’est leur patronne en personne qui a finalement cédé aux sirènes élyséennes. Et ça n'a pas plu à tout le monde :
@emmacosse au gouvernement. La déchéance c'est maintenant #EELV
— sergio coronado (@sergiocoronado) 11 Février 2016
"Je suis très triste, je suis un ami personnel d'Emmanuelle Cosse depuis très longtemps mais je suis totalement en désaccord avec son choix", a de son côté réagi Pierre Serne, conseiller régional EELV, à l’AFP. "C'est une forme de reniement d'une partie de ce qu'elle est que j'ai du mal à comprendre." L’élu local résume là l’état d’esprit d’une bonne partie des troupes d’EELV. Le bureau exécutif du parti a convoqué une réunion de crise quelques minutes à peine après l'annonce de l'entrée au gouvernement d'Emmanuelle Cosse. Et acté son remplacement par David Cormand.
Réunion du bureau exécutif #EELV en cours. On tire les conséquences, dans la collégialité et l'unité. Grosse envie d'avancer, là maintenant.
— Marine Tondelier (@marinetondelier) 11 Février 2016
…et pour Duflot. La nomination d’Emmanuelle Cosse est aussi une mauvaise nouvelle pour Cécile Duflot. L’ancienne ministre du… Logement (ironie du sort), rêve tout haut d’une candidature à l’élection présidentielle de 2017. L’éclatement des écologistes en général et d’Europe Ecologie-Les Verts en particulier, fait plus que fragiliser cette ambition. En outre, celle qui lui avait succédé à la tête de son parti sera notamment chargée de relancer la politique du Logement, atone, notamment en détricotant sa loi Alur. Les deux femmes ont longtemps été proches, avant de s’éloigner ces derniers mois. La rupture est cette fois au moins durable, sinon définitive.
La cohabitation au gouvernement pourrait être compliquée. La présence d’Emmanuelle Cosse au gouvernement pourrait toutefois ne pas être un long fleuve tranquille. Selon une porte-parole d'EELV, la nouvelle ministre a ainsi obtenu, sur l'un des sujets les plus sensibles, le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, une consultation de la population sur le sujet. Or, ce projet, Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et député de Loire-Atlantique, y sont très attachés.
- Placé, la persévérance a fini par payer
Depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République, Jean-Vincent Placé n’a jamais caché ses envies de ministère. A chaque remaniement d’ailleurs, son nom circulait pour prendre en charge un portefeuille. Jusqu’ici, le co-président du groupe écologiste au Sénat avait vu ses ambitions déçues. Il n’avait pourtant pas ménagé ses efforts. Il avait ainsi pris ses distances avec les critiques systématiques formulées par EELV à l’encontre d’Emmanuelle Valls, au point de quitter le parti à l’été 2015 en fondant l’Union des démocrates et écologistes (UDE). Le voilà (enfin) récompensé de ses efforts avec ce secrétariat d’Etat à la Réforme de l’Etat.
Star de Twitter malgré lui. La volonté, farouche, de Jean-Vincent Placé d’entrer au gouvernement a permis à nombres de twittos de passer le temps en attendant l’annonce du remaniement. Le sénateur écologiste a en effet été pendant plusieurs heures, et bien à son corps défendant, la star du réseau social, mais pas franchement à son avantage.
Bref, Jean-Vincent Placé aujourd'hui. #remaniementpic.twitter.com/EmWZVcaAhZ
— Nain Portekoi (@Nain_Portekoi) 11 Février 2016
Facebook fiction du jour #remaniement#GagnantOuPlacépic.twitter.com/p5dtcmGtxx
— Virginie Spies (@semioblog) 11 Février 2016
Jean-Vincent Placé quand un ministère se libère. pic.twitter.com/fknQ9SKBd3
— Paul Aveline (@PaulAveline) 11 Février 2016
- Barbara Pompili, la suite logique
La troisième prise écologiste de François Hollande était la plus attendue. Depuis sa décision de quitter, elle aussi, EELV à l’été 2015, Barbara Pompili n’a pas été l’élue écologiste la plus sévère, loin s’en faut, avec le gouvernement. Elle militait d’ailleurs depuis de longs mois pour un retour dans l’équipe exécutive. Elle n'avait en outre pas apprécié le choix des militants du Nord-Pas-de-Calais/Picardie de ne pas s'allier avec les socialistes pour les élections régionales décembre, au risque de faire gagner le FN. Malgré son opposition à la déchéance de nationalité, la députée de la Somme a voté mercredi pour le projet de révision constitutionnelle. Elle a assuré sur son blog que même si "certains" ne manqueront pas d'y voir "l'expression d'une ambition personnelle", son choix était "en responsabilité".
La désormais ex-présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, poste qu'elle partageait, non sans mal, avec Cécile Duflot, hérite du poste de secrétaire d’Etat à la biodiversité. Le seul poste en rapport avec l’environnement qui échoit aux trois entrants écologistes.