Le débat sur la réforme phare d'Emmanuel Macron s'est achevé comme prévu à minuit pile, en raison de la procédure législative accélérée. "Le gouvernement saisira le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié par les amendements votés", a annoncé le ministre du Travail Olivier Dussopt. Élisabeth Borne a annoncé que le gouvernement retiendrait des mesures favorables aux enseignants du premier degré, aux professions libérales, aux pensions agricoles, aux retraités à Mayotte, et aux "carrières longues".
Point d'orgue de deux semaines de débats au mieux tendus, au pire chaotiques, Olivier Dussopt a réservé ses derniers propos aux insoumis : "Vous m'avez insulté 15 jours, personne n'a craqué et nous sommes là, devant vous, pour la réforme", a-t-il lancé, furieux. Certains députés LFI sont sortis en chantant "on est là, on est là", avant que des députés de la majorité, de droite et du RN entonnent une Marseillaise. "Macron en échec à l'Assemblée. La retraite à 64 ans n'est pas passée", a réagi avant même la fin des débats le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon. "Cette réforme n'a pas de légitimité parlementaire", a abondé la présidente du groupe Mathilde Panot.
Les débats se sont interrompus loin du fameux article 7
Sans surprise au vu du nombre d'amendements restants, essentiellement des Insoumis, et de la date butoir fixée à minuit, les débats se sont interrompus très loin du fameux article 7 sur le report de l'âge légal à 64 ans.
Tout au long de la soirée la discussion a porté sur la durée de cotisation pour les retraités pouvant bénéficier du dispositif "carrières longues", c'est-à-dire ceux qui sont entrés dans le monde du travail avant 21 ans. 43 ou 44 ans ? La question n'a pas été clairement tranchée, malgré l'insistance de députés LR, menés par Aurélien Pradié, qui exige que tous les travailleurs concernés puissent partir après 43 années de cotisations, sans que l'âge légal ne soit une barrière. "Je ne dirai jamais devant l'Assemblée nationale que la durée de cotisation serait un plafond", a déclaré Olivier Dussopt, estimant que ce serait "mentir". "Nous ne pouvons pas sortir de tout ça avec des doutes", lui a répondu Aurélien Pradié, demandant une position claire.
La motion de censure du RN largement rejetée par l'Assemblée
L'Assemblée a largement rejeté dans la nuit de vendredi à samedi une motion de censure déposée par le Rassemblement national (RN) contre le gouvernement.
Sans surprise, avec seulement 89 voix recueillies, la motion du RN défendue par Marine Le Pen en marge du projet de réforme de retraites a été repoussée. Le texte est désormais attendu au Sénat, le 28 février en commission, puis le 2 mars dans l'hémicycle.
Rendez-vous au Sénat et dans la rue
La gauche parlementaire s'est divisée sur la stratégie à adopter, les écologistes regrettant auprès de l'AFP "un raté stratégique" de LFI. "Je regrette qu'un certain nombre de groupes de la Nupes aient choisi en quelque sorte d'abandonner leurs amendements, d'abandonner la bataille et de nous laisser seuls pour tenir jusqu'au bout", a déclaré de son côté l'insoumis Manuel Bompard.
Les syndicats pressaient l'alliance de gauche d'aller jusqu'à cet article clé du projet de réforme. "L'Assemblée nationale donne un spectacle désolant, au mépris des travailleurs. Honteux", a réagi dans la soirée le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.
La France à l'arrêt le 7 mars ?
Les dernières manifestations ont rassemblé jeudi 1,3 million de personnes selon la CGT et 440.000 selon l'Intérieur. C'est le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation, dans l'attente du 7 mars où les syndicats menacent de mettre le pays "à l'arrêt" si le gouvernement ne retire pas la réforme. La CGT a appelé vendredi à la grève reconductible dans les raffineries dès le lundi 6 mars.
À gauche, l'attention se porte sur ces prochaines mobilisations. "On pense au mouvement social. J'espère que la séquence ne va pas l'affaiblir. En 2020 on était crevés mais fiers, là non", souffle une source au sein du groupe communiste. "Le 7 mars, nous vous ferons plier", a promis Matthias Tavel (LFI).
Dans l'hémicycle, le ton était déjà monté entre le gouvernement et le RN, Marine Le Pen accusant l'exécutif d'avoir pour "objectif" de "faire baisser" les revenus des retraités, ce qu'a récusé Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics. "Vous n'avez pas de solution à proposer (...) les Français le voient", a-t-il accusé. "L'enjeu, c'est qui va imposer son récit", estime un élu Renaissance, tant il semble difficile de dire qui du gouvernement ou des oppositions sort renforcé de cette première manche parlementaire.