La "révolution copernicienne" de l'apprentissage voulue par le gouvernement pour "booster" cette voie mal aimée a reçu jeudi soir le feu vert de l'Assemblée, malgré une forte opposition de la gauche, inquiète de "régressions", la droite saluant "des contraintes levées".
Quelles nouveautés pour l'apprentissage ?
Des conditions assouplies. Pour sortir du "statu quo", selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud, le projet de loi pour "la liberté de choisir son avenir professionnel" tend à rapprocher l'apprentissage, qui concerne environ 400.000 jeunes, du droit commun des contrats de travail. Il repousse l'âge limite juste avant 30 ans, assouplit le temps de travail pour les mineurs, facilite les ruptures de contrat.
Jusqu'à 40 heures de travail pour les mineurs. Les députés ont adopté un amendement de la rapporteure de la loi qui reformule les possibilités de dérogation à la durée hebdomadaire de 35 heures de travail pour les apprentis mineurs, afin d'éviter une "confusion", sur l'idée qu'elle serait augmentée pour tous. La durée pourra être portée à 40 heures pour certaines activités définies par décret.
Dans le même temps, le gouvernement prévoit d'augmenter les rémunérations des apprentis, et d'aider de 500 euros le passage du permis de conduire. Des élus LFI et PCF ont plaidé en vain pour revoir à la hausse les rémunérations.
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Plus de responsabilités pour les partenaires sociaux. Le texte réforme aussi la gouvernance et le financement de l'apprentissage, en donnant plus de responsabilités aux partenaires sociaux dans la construction des diplômes et dans la gestion des Centres de Formation d'Apprentis (CFA). Mesure saluée par le Medef, mais vilipendée par les régions, qui perdent une partie de leurs prérogatives et affirment qu'"environ 700" CFA sont "menacés de fermeture".
Les régions responsables de l'Onisep. Ce volet du projet de loi a été adopté dans la soirée moyennant quelques retouches, notamment pour favoriser les apprentis handicapés. Les députés ont aussi donné leur feu vert à l'extension des missions des régions en matière d'orientation, en leur confiant les directions régionales de l'Onisep [l'organisme qui diffuse l'information sur les formations et les métiers auprès des élèves, ndlr], ce qui a suscité de vives protestations de la gauche, inquiète pour l'"indépendance" de l'information qui sera fournie.
Une loi votée mais critiquée
La crainte de se détacher des réalités du terrain. Plusieurs députés LREM ont défendu un système "désormais plus lisible" pour salariés et entreprises. Mais s'ils ont affirmé que la filière a besoin "de souplesse et d'ambition", des élus LR ont dénoncé une "volonté de centralisation" au "détriment de nos régions", disant craindre des fermetures de CFA. L'UDI-Agir Francis Vercamer s'est aussi dit "désolé que pour faire rentrer les branches", le gouvernement fasse "sortir les régions".
Des élus de gauche ont estimé, à l'instar du socialiste Boris Vallaud, que confier le pilotage "à plus de 510 branches" c'est "prendre le risque de saper durablement l'élan de l'apprentissage", ou regretté qu'on "porte atteinte à l'enracinement de l'apprentissage dans la réalité du terrain" (Pierre Dharréville, PCF).
"On ne peut pas rester au statu quo", estime la ministre. Face aux critiques, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a ironisé : "Tout va bien, nous n'avons que 1,3 million de jeunes qui sont nulle part, ni en formation, ni en emploi. Ça fait 20 ans qu'on n'a pas dépassé les 450.000 apprentis (...), les régions sont les pilotes depuis plus de 20 ans et tout va très bien".
"On ne peut pas rester au statu quo, sinon c'est ne pas rendre service aux jeunes et aux entreprises", a plaidé cette ancienne DRH, ajoutant que dans "tous les pays européens qui ont réussi l'apprentissage, comme par hasard, les entreprises sont mobilisées". Elle a notamment mis en avant une "triste réalité" avec le fait qu'"une région sur deux n'utilise pas tout l'argent qu'elle reçoit" de la taxe d'apprentissage pour la filière.