Elle est l'une des biographes de Simone Veil, a publié Simone, éternelle rebelle et a signé un documentaire sur France 2 consacré à la grande dame politique décédée vendredi à 89 ans. Dans ce document, la réalisatrice Sarah Briand revenait sur la déportation de Simone Veil, à l'âge de 16 ans, d'abord à Drancy puis à Auschwitz, une épreuve tragique qui a en partie construit son parcours de vie. C'est aussi une épreuve dont elle a parlé très tard, confirme la réalisatrice sur Europe 1.
Un histoire "qu'elle a mis longtemps à transmettre". "C'est une femme qui a traversé les siècles avec une histoire douloureuse qui a touché beaucoup de Français. C'est quelque chose dont elle a peu parlé ou en tout cas, pas dès qu'elle a été ministre. Même au sein de sa famille, c'est quelque chose qu'elle a mis longtemps à transmettre. En 2004, elle a fait un voyage pour lequel elle a fait venir une partie de sa famille sur les traces de son passé et c'est un moment extrêmement fort. Cela a été le moment où elle a pu leur dire, leur montrer, mettre des mots sur ce qu'elle avait vécu. C'est un modèle de résilience, Simone Veil." Soixante ans après être sortie des camps, l'ancienne ministre expliquait néanmoins penser tous les jours aux camps, "être toujours hantée par les images, les odeurs, les cris, l'humiliation, les coups et le ciel plombé par la fumée des crématoires".
"Pour survivre à Auschwitz, il fallait être plus forte que les autres". Ce passé-là lui a aussi été rappelé d'une manière extrêmement violente au sein de l'hémicycle durant les débats sur la loi sur l'IVG (certains députés comparant IVG et génocide, ndlr.). Elle-même évoque pour la première fois ce vécu devant des journalistes "en 1975-1976, dans sa maison de Normandie", explique Sarah Briand. Elle raconte alors le lien qu'elle avait avec sa sœur, morte au retour de la déportation, et avec sa mère", décédée dans les camps. La réalisatrice se souvient d'une phrase de Simone Veil en particulier : 'Pour survivre à Auschwitz, il fallait être plus forte que les autres' et de l'émotion qui passe à ce moment-là sur son visage, "une émotion qu'elle s'est toujours efforcée de cacher", décrit Sarah Briand.
Des Français qui n'étaient pas prêts. Très forte, extrêmement pudique, Simone Veil n'aborde alors ce douloureux chapitre qu'en pointillés. "Et c'est vrai qu'on ne l'interrogeait pas beaucoup là-dessus." La réalisatrice en explique les raisons : les Français à l'époque n'étaient pas prêts à entendre cette parole. Simone Veil "prenait l'exemple de l'une de ses sœurs qui a été résistante, qui est aussi rentrée des camps et qui a été accueillie par le général de Gaulle. Les résistants ont été accueillis comme des héros et c'est quelque chose qu'elle a assez mal vécu." Dans son autobiographie, Une vie publiée en 2007, Simone Veil l'écrit : "Beaucoup de nos compatriotes voulaient à tout prix oublier ce à quoi nous ne pouvions nous arracher... Nous souhaitions parler mais on ne voulait pas nous écouter (...) "En revanche, Denise, rentrée un peu avant nous avec l'auréole de la Résistance, était invitée à faire des conférences". La société a donc dû mûrir pour entendre.
Une "liberté de ton". L'incroyable force qui infuse son parcours était aussi bien héritée de son histoire que naturelle chez elle. "Dès petite, elle s'oppose à son père lorsqu'il veut se déclarer juif. Elle a conscience du danger qui arrive. Plus tard aussi, elle va s'opposer à un certain nombre de personnalités, elle va dire ce qu'elle pense et c'est la raison pour laquelle elle n'a jamais vraiment souhaité être au sein d'un parti politique. Cette liberté de ton, elle l'a gardée."
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