Nicolas Sarkozy est toujours président des Républicains. Officiellement, il n'occupe que cette fonction, laissant la course à la primaire aux candidats déclarés. Pourtant, l'ancien chef de l'État enchaîne aussi les déplacements aux allures de campagne électorale. Si cela agace passablement au sein de son parti, cette situation ambigüe pourrait néanmoins durer jusqu'au 25 août.
"C'est bien un candidat non-déclaré". Lundi, Jean-Pierre Raffarin pointait sur France Info l'attitude floue du président de LR. "Plus les choses avancent, plus il apparaît très clairement qu'à l'occasion d'événements du parti, Nicolas Sarkozy fait des meetings, rencontre les militants et fait, en fait, une vraie campagne de terrain." Et le soutien d'Alain Juppé de prôner la clarification. "Je pense qu'avant l'été, ce serait sans doute raisonnable qu'il y ait une prise en compte des réalités. Les réalités, c'est que Nicolas Sarkozy est en campagne."
De fait, le président des Républicains sera jeudi matin l'invité spécial d'Europe 1 pour exposer ses propositions. Au lendemain d'une réunion publique, mercredi soir, à Saint-André-lez-Lille, dans le Nord. Avec 1.500 personnes attendues, 30 parlementaires à ses côtés et un discours sur l'identité française, difficile de faire croire que cet événement n'est pas un meeting. "Celui qui se déplace [mercredi] soir, c'est bien un candidat non-déclaré, et le président des Républicains", a estimé le député de la Marne, Benoist Apparu, soutien d'Alain Juppé, sur France Info.
" Plus les choses avancent, plus il apparaît très clairement que Nicolas Sarkozy fait une vraie campagne de terrain. "
Sa candidature ne fait aucun doute. De fait, la candidature de Nicolas Sarkozy a beau ne pas être officielle, elle n'est un secret pour personne. Le président des Républicains est sur tous les fronts, multipliant les discours et les déclarations sur des sujets aussi variés que la fiscalité, le nucléaire ou l'Europe. Autant d'occasions d'esquisser les grandes lignes de son programme. En outre, l'ancien chef de l'État a reçu dimanche le soutien de François Baroin, avec lequel il prévoit de former un "ticket". Le sénateur-maire de Troyes a déclaré n'avoir "pas de doutes sur [la] candidature" de son champion.
Champion qui, de lui-même, multiplie les déclarations équivoques. Jeudi 10 mars, Nicolas Sarkozy dédicace son livre, La France pour la vie, à Lyon. Un chef d'entreprise indique avoir voté deux fois pour lui, en 2007 "avec enthousiasme", puis en 2012 "par devoir". Et l'ancien président de lui répondre, comme le raconte la journaliste d'Europe 1, Aurélie Herbemont : "Il va falloir que je me rattrape pour la troisième fois !" Rebelote le samedi 28 mai. "Vous êtes impatients ?" lance Nicolas Sarkozy à de jeunes militants. "Eh bien j'additionne toutes vos impatiences, mais ça ne fera que la moitié de la mienne."
Un chef d'entreprise lyonnais, déçu, à Sarkozy : "j'ai voté pour vous en 2007 avec enthousiasme. Et en 2012 par devoir..." (1/2)
— Aurélie Herbemont (@aurelherbemont) 10 mars 2016
Réponse de Sarkozy: "il va falloir que je me rattrape pour la 3e fois !" Et ajoute "ce n'est pas une déclaration !" (2/2)
— Aurélie Herbemont (@aurelherbemont) 10 mars 2016
Inégalité de moyens. Si la double casquette irrite les candidats déclarés, c'est pour des raisons de transparence. Mais aussi d'argent. Car tous les déplacements de Nicolas Sarkozy sont pris en charge par le parti, quand ses (futurs) rivaux à la primaire doivent, eux, puiser dans leurs cagnottes. François Fillon l'a clairement sous-entendu, mardi soir, sur le plateau du journal télévisé de TF1. "Je mène ma campagne en plein transparence, sans toucher un sou de mon parti, de ma formation politique, avec les dons que m'apportent les Français", a-t-il asséné. Mardi soir, c'est Nathalie Kosciusko-Morizet qui a mis le sujet sur la table, lors du bureau politique LR. La députée de l'Essonne a, selon Le Parisien, dénoncé "l'inégalité des moyens" entre les candidats.
"Il faut bien tenir la boutique". Pas de quoi déconcerter Nicolas Sarkozy. "Si je fais des salles remplies de monde et que d'autres font des salles à moitié vides, c'est peut-être aussi qu'il y a une inégalité de talent", balance-t-il à celle qui est également candidate à la primaire. Pour le président des Républicains, céder aux demandes de clarification n'est pas d'actualité. "Il est hors de question de quitter la présidence du parti. Il faut un chef pour cheffer", affirmait-il, fin mai, au Figaro.
Arrivé en novembre 2014 à la tête de ce qui s'appelait encore l'UMP, l'ancien chef de l'État se targue d'avoir redressé et réunifié un parti morcelé par la guerre Fillon/Copé, puis très affaibli par le scandale Bygmalion. Désormais, il met en avant la tenue, le 2 juillet prochain, du conseil national consacré au vote du projet qui servira de base commune à tous les candidats à la primaire. Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy s'estime indispensable à son poste de président des Républicains. "Il faut bien quelqu'un pour tenir la boutique", approuve un cadre LR dans Le Parisien.
" Il faut bien quelqu'un pour tenir la boutique. "
"Juridiquement, il n'y a aucun problème". Surtout que Nicolas Sarkozy a tout à fait le droit de conserver sa position. "Tout membre de la direction du Mouvement ayant l'intention d'être candidat à la primaire […] est tenu de démissionner de ses fonctions dès réception de sa déclaration de candidature", stipule l'article 39 des statuts du parti. Sans déclaration, pas de démission. Nicolas Sarkozy peut rester à la présidence du parti jusqu'à "au plus tard quinze jours avant la date fixée pour le dépôt des déclarations de candidature", le 9 septembre.
Un maintien de Nicolas Sarkozy est donc envisageable jusqu'au 25 août tant qu'il ne se déclare pas candidat. "Juridiquement parlant, il n'y a aucun problème", a même reconnu Benoist Apparu. Si ce n'est pas sur le terrain du respect du droit que le président des Républicains peut être pris en défaut, ses concurrents en appellent donc à la morale. "C'est son choix, c'est lui qui maîtrise le calendrier, il est face à sa conscience", a ainsi lâché François Fillon.