Dans la moiteur de l'été 2019, l'affaire avait fait grand bruit. Après la publication d'une enquête de Mediapart sur son train de vie, et des soupçons d'utilisation d'argent public à des fins personnelles lorsqu'il occupait le poste de président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, alors ministre de la Transition écologique, avait été poussé à la démission. Près de huit mois après, son épouse, Séverine Servat de Rugy, publie un livre sur cette histoire. Dans La Marche du crabe, elle dénonce un "chantage" dont elle et son mari auraient été victimes, de la part d'une ancienne amie. Dans une interview au JDD, ce week-end, elle explique avoir voulu "dire [sa] vérité" mais aussi "décrire des comportements [de politiques] mus par la passion, la trahison, le désir de la performance".
Une histoire de homard et de vengeance
Sur l'affaire du train de vie dispendieux de François de Rugy, Séverine Servat de Rugy est catégorique : son ministre de mari et elle sont tombés dans un piège tendu par une ancienne amie. "Je l'avais invitée pour Noël à l'hôtel de Lassay [un bâtiment de l'Assemblée nationale, ndlr] parce qu'elle se disait en détresse. À un moment, elle s'est collée derrière moi et m'a fait poser devant une bouteille de vin en me disant : 'C'est le vin préféré de ma mère.' Ça m'a paru bizarre, mais bon. Quand j'ai vu la photo publiée par Mediapart, je n'ai pas eu de mal à me rappeler la scène, ni la date : ce réveillon, c'est la seule fois en quatorze mois qu'on a eu du homard."
Pourquoi cette amie aurait-elle agi ainsi ? Séverine Servat de Rugy assure que François de Rugy a refusé d'intervenir dans une histoire de redressement fiscal. "Je crois me souvenir qu'il était question de 1 million d'euros", précise-t-elle au JDD. "À mon avis, beaucoup de politiques (et leurs conjoints) sont victimes de chantages. Un dossier composé de fake news a été livré tout ficelé à nos accusateurs. C'était une cabale, ni plus ni moins." Celle qui est journaliste pour le magazine Gala évoque également des "officines" qui auraient pu intervenir pour faire tomber son époux. "Je n'ai pas de preuves, mais comment expliquer une telle avalanche d'accusations fausses ?"
Tacle à Benjamin Griveaux
Séverine Servat de Rugy égratigne au passage Mediapart, mais surtout les anciens collègues de François de Rugy. Notamment Benjamin Griveaux, à l'époque porte-parole du gouvernement, et qu'elle a trouvé très peu solidaire. Depuis, ce dernier a dû se retirer de la course aux municipales à Paris après la fuite de vidéos intimes à caractère sexuel. "Comme beaucoup, j'ai d'abord pensé qu'il s'était montré imprudent", lance Séverine Servat de Rugy. "Mais la morale doit-elle être le déterminant de l'efficacité pour résoudre les problèmes du chômage, des discriminations et tout le reste ? Benjamin Griveaux n'a probablement pas pensé à moi quand François a démissionné. Mais moi, le jour d'après son retrait, j'ai pensé à lui et à son épouse."
Interrogée sur d'éventuels regrets après la démission de François de Rugy, Séverine Servat de Rugy préfère y voir un "sacrifice pour ne pas gêner le gouvernement". "C'est honorable, non ?" Son livre, elle dit l'avoir écrit et publié avec le consentement de son mari. "Il m'a laissé faire et c'est à son crédit car il est rare qu'un politique laisse une telle liberté à son épouse."