Simples vérifications ou début d'un nouveau dossier embarrassant pour l'exécutif ? Après les "affaires" Richard Ferrand et Marielle de Sarnez, c'est Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée, qui fait l'objet d'une enquête, a-t-on appris lundi auprès du parquet national financier (PNF). Les liens entre ce proche d'Emmanuel Macron et un groupe privé italo-suisse interrogent, sur fond de soupçons de conflit d'intérêts. Europe 1 fait le point sur ce que l'on sait de ce dossier.
Qui est Alexis Kohler ?
Agé de 45 ans, Alexis Kohler est un haut fonctionnaire, passé par le Trésor, le FMI et l'Agence des participations de l'Etat (APE), selon un parcours retracé par Le Figaro. Après l'élection de François Hollande en 2012, il est nommé directeur adjoint du cabinet de Pierre Moscovici, puis directeur de celui d'Emmanuel Macron, intronisé ministre de l'Économie. "Pendant deux ans, nous avons vécu ensemble", témoignera-t-il auprès de l'Express. "Dans ce cas, soit vous devenez très amis, soit vous ne pouvez plus vous voir." Selon plusieurs témoignages recueillis auprès de leurs proches, les deux hommes s'apprécient et le tandem fonctionne. Alexis Kohler occupe aujourd'hui un poste stratégique, sorte de bras droit d'Emmanuel Macron à l'Elysée.
Quels sont les éléments révélés par Mediapart ?
En mai, le site d'investigation en ligne publie un premier article pointant les liens entre Alexis Kohler et les principaux actionnaires d'un groupe de transport italo-suisse, MSC. "Sa mère, Sola Hakim, est la cousine germaine de Rafaela Aponte, co-fondatrice avec son mari Gianluigi Aponte, de MSC", détaille le média. Or MSC est aussi un très important client de STX France, les chantiers navals de Saint-Nazaire. L'armateur a joué un rôle essentiel dans les discussions sur leur avenir, menées avec l'État français ces dernières années et qui se sont soldées par un accord faisant passer les chantiers sous pavillon italien, en septembre dernier.
Problème selon Mediapart, qui a publié de nouveaux documents à ce sujet fin mai : Alexis Kohler n'a jamais informé la commission de déontologie de la fonction publique de ses liens familiaux avec les actionnaires de MSC. Ni lorsqu'il était chargé du secteur des transports au sein de l'APE, ni lorsqu'il a siégé, entre 2010 et 2012, au conseil d'administration de STX France en qualité de représentant de Bercy.
Puis, l'énarque a demandé à "pantoufler", c'est-à-dire recevoir l'autorisation de l'État de quitter le secteur public pour le privé, et rejoindre MSC. La première fois, en avril 2014, cette demande lui a été refusée en raison de son implication trop récente dans les négociations de STX. Mais deux ans plus tard, en août 2016, la deuxième a été acceptée et Alexis Kohler a brièvement rejoint l'entreprise de la cousine de sa mère, au poste de directeur financier.
Au vu de ces éléments, l'association anticorruption Anticor a porté plainte pour "prise illégale d'intérêt", "trafic d'influence" et "corruption passive", vendredi. Elle estime notamment qu'Alexis Kohler "ne pouvait ignorer qu'il existait un conflit d'intérêt à représenter l'État français (au conseil d'administration de STX, ndlr) alors même que sa famille était propriétaire de l'un de ses principaux clients."
Qu'en dit la justice ?
Des investigations sont actuellement menées afin de "vérifier si les règles relatives à la mise en disponibilité des agents publics ont bien été respectées" dans ce dossier, a indiqué le PNF dans un communiqué, lundi. L'instance, compétente pour les délits économiques et financiers complexes, souligne qu'Alexis Kohler "aurait pu traiter des dossiers intéressant" MSC lorsqu'il travaillait à l'Agence des participations de l'État, puis à Bercy. L'enquête a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance économique.
Comment se défend Alexis Kohler ?
Le principal intéressé n'a pas réagi directement, lundi. Dans un communiqué, la présidence indique de son côté que son secrétaire général a "pris note" de la plainte déposée contre lui mais estime qu'elle repose sur des soupçons "totalement infondés". "Cette plainte s'appuie sur des articles de presse de Mediapart qui contiennent de nombreuses et graves erreurs factuelles", ajoute la même source.
Selon la présidence, "Alexis Kohler a toujours tenu sa hiérarchie informée de ses liens personnels avec l'entreprise MSC" et s'est "systématiquement déporté de toutes les décisions ayant trait à cette entreprise". "C'est bien volontiers qu'Alexis Kohler communiquera au parquet l'ensemble des documents prouvant sa conduite respectueuse du droit dans toutes les circonstances de son parcours professionnel", conclut l'Elysée.