"Soyez libres" : après un échange inédit et discret à Valence avec Laurent Wauquiez, le patron des Républicains, Emmanuel Macron a écouté entre deux bouchées les doléances des maires, la plupart de communes rurales, sur les déserts médicaux ou les problèmes de mobilité, au cours d'un déjeuner-débat au format resserré. "Ce type d'échanges est une bonne façon de décanter beaucoup de sujets", a lancé debout, micro en main, le président de la République à la préfecture de la Drôme. "Je suis là pour vous écouter, entendre, absorber" et "s'il vous plait, soyez libres", a-t-il lancé, précisant tout de même que ce n'était pas pour lui "à proprement parler ce qu'on peut appeler le 'grand débat'".
Échange inédit avec Laurent Wauquiez. Prenant des notes entre deux coups de fourchette, Emmanuel Macron devait écouter 35 maires, Laurent Wauquiez et enfin la présidente LR du Conseil départemental de la Drôme, Marie-Pierre Mouton, avant lui-même de conclure. A chacun, trois minutes chrono sont accordées. Le débat a commencé vers 13h, après une rencontre d'une cinquantaine de minutes - contre trente prévues à l'agenda - entre Emmanuel Macron et Laurent Wauquiez qui ne s'étaient jamais entretenus officiellement depuis que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a pris la tête de LR en décembre 2017. Aucune déclaration n'a été faite à leur sortie. Ils ont parlé des entreprises locales, des problèmes de desserte ferroviaire dans la région, indique-t-on seulement au cabinet de Laurent Wauquiez.
Pendant ce temps là dans la préfecture de Valence, Emmanuel Macron déjeune avec 36 maires, ses ministres et en face de Laurent Wauquiez. (Pour ce troisième « débat », aucune caméra et les journalistes ont interdiction de diffuser les images, photo signée @Genestjacques1 ) pic.twitter.com/9xSqAgHz0t
— Paul Larrouturou (@PaulLarrouturou) 24 janvier 2019
Wauquiez reproche son "écoute" tardive à Macron. Pendant le débat-déjeuner, Laurent Wauquiez a reproché à Emmanuel Macron son "écoute" tardive, responsable selon lui des "tensions" dans le pays, sans jamais échanger un regard. "Si cette écoute avait eu lieu dès le début, on se serait épargné bien des tensions dans le pays", a déclaré Laurent Wauquiez, citant pèle-mêle les "problèmes" des retraites, de l'impôt ou encore des territoires délaissés. "Le problème principal est qu'il faut réconcilier, mettre la France ensemble. Il y a eu trop de gestes qui donnent à penser que la France est à plusieurs vitesses", a-t-il jugé.
"Je ne voudrais pas qu'il y ait des caricatures" mais "il faut voir l'état dans lequel on a pris le pays", a notamment répondu Emmanuel Macron. "Je ne me défausse pas mais l'Etat a vécu une crise financière. Certains s'en souviennent qui avaient des responsabilités ministérielles, qui ont eu à prendre des décisions d'économies qui étaient utiles et qui ont conduit à réduire les dotations des collectivités locales et à baisser d'autres dépenses", a développé le chef de l'Etat face à l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy.
Les territoires ruraux au centre du débat. Nicolas Daragon, le maire LR de Valence, a ensuite lancé la longue liste de doléances : "Nos concitoyens parlent du RIC, de démocratie plus consultative, ils souhaitent la reconnaissance du vote blanc, plus de services publics, la réduction du train de vie de l'Etat. Certains proposent des solutions plus radicales". Gérard Collomb, le maire de Lyon, était assis tout sourire à deux places du président, des retrouvailles officielles pour les deux hommes depuis le départ avec fracas du gouvernement de l'ex-ministre de l'Intérieur cet automne. "Qu'est-ce qu'on veut ? Des monstropoles d'un côté et des communes abandonnées de l'autre ?", a lancé le socialiste Aurélien Ferlay, président des maires ruraux de la Drôme et maire de Moras-en-Valloire, 657 habitants. "Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n'est pas pour prendre de ses nouvelles", a-t-il conclu. "En 50 ans, on a reculé, nos concitoyens ont du mal à comprendre qu'on recule. Il y a un signal fort à donner aux territoires les plus enclavés. C'est devenu intolérable", a critiqué Jacques Mézard, sénateur du Cantal et ancien ministre de la Cohésion des territoires d'Emmanuel Macron.
#GrandDebatNational Quelques dizaines de #giletsjaunes sont présents aux abords de la Préfecture de la Drôme, à Valence, où un important dispositif de sécurité a été déployé. Les manifestants scandent timidement "Macron démission !" au moment où un hélicoptère survole la zone pic.twitter.com/x1yu89oMGF
— Arthur Berdah (@arthurberdah) 24 janvier 2019
Un futur échange avec des citoyens. Dehors, un périmètre de sécurité d'environ 300 mètres créait une zone tampon dans l'hyper-centre de la ville, tenant à bonne distance quelques dizaines de "gilets jaunes" mobilisés malgré le vent glacé. Emmanuel Macron "veut faire un débat citoyen mais il faut qu'il passe par les citoyens. On ne peut pas s'approcher, on est contrôlés. On ne passe pas si on a un gilet jaune", déplorait notamment derrière un des cordons de CRS Dominique Roux, artisan de 47 ans résidant à Etoile-sur-Rhône. Après ce nouvel échange avec des élus, Emmanuel Macron a prévu de débattre avec des citoyens : "Dans un futur déplacement, je ne sais pas quand, il sera amené à parler avec des Français", a fait savoir le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, jeudi à son arrivée à Valence.