Passé à la moulinette de la commission des Finances, le projet de loi présenté la semaine dernière est déjà méconnaissable : articles clés supprimés, amendements à plusieurs milliards d'euros adoptés, nouvelles taxes ou exonérations en grande quantité... Sans conséquence à ce stade, puisque les députés repartiront du texte initial pour le débat en séance, qui débutera lundi soir. Mais l'exécutif sait déjà à quoi s'en tenir.
Rejet des mesures budgétaires
Des pans entiers de son budget ont été purement et simplement rejetés. En particulier sur la fiscalité écologique : les hausses de taxes sur l'électricité, les chaudières à gaz et les véhicules thermiques sont ainsi passées à la trappe. Même chose pour les collectivités locales : les articles visant à geler ou raboter leurs recettes ont été supprimés, les députés leur accordant au contraire une rallonge de 500 millions d'euros.
Une des rares mesures chiffrées parmi les quelque 170 amendements déjà adoptés en un peu plus de trois jours de discussion. Mais l'équilibre du projet de loi a surtout été bouleversé par une cascade de nouvelles taxes, souvent à l’initiative de la gauche. La France insoumise s'est ainsi félicitée de "victoires" sur les "superprofits" et les multinationales, pour un total vertigineux de plus de 40 milliards.
Preuve que "le Nouveau Front populaire a une majorité à la commission des Finances de l'Assemblée nationale", tandis que le Premier ministre "Michel Barnier et sa troupe de branquignoles ne l'a pas", a triomphé le patriarche insoumis Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting à Cahors vendredi soir.
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"Aucune coordination"
Le "socle commun" de la droite et du centre n'a en effet pas pu empêcher les votes en faveur d'une taxe pérenne sur les hauts revenus, que le gouvernement voulait seulement "temporaire". Pas plus qu'il n'a pu réfréner un durcissement des mesures sur les rachats d'actions, le crédit d'impôt recherche ou le transporteur maritime CMA-CGM. Le camp gouvernemental a d'ailleurs parfois cherché le soutien des oppositions, comme le MoDem pour relever la "flat tax" sur les revenus du capital, ou Les Républicains pour rétablir une "exit tax" contre l'exil fiscal aussi dissuasive qu'à sa création sous Nicolas Sarkozy.
Une confusion dont même le Rassemblement national s'est inquiété. "Je ne vois aucune coordination entre les différentes parties qui soutiennent Michel Barnier", a commenté le député Jean-Philippe Tanguy durant le débat en commission, déplorant de ne pas savoir "du tout où va ce projet de loi de finances".
Incertitudes gouvernementales
Le gouvernement en est-il lui-même certain ? Avant la commission, les ministres de Bercy, Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, avaient promis de compléter leur texte par amendements, avec notamment une hausse de la taxe sur les billets d'avion et une extension du prêt à taux zéro dans l'immobilier. Mais vu le nombre et l'ampleur des modifications votées depuis mercredi, la question d'un passage en force dans l'hémicycle via l'arme du 49.3 pourrait vite se poser, afin d'éviter une nouvelle série de déconvenues.