L'idée de la vente à perte n'aura vécu qu'une semaine depuis que la Première ministre Elisabeth Borne l'avait annoncée avec l'espoir de faire baisser les prix à la pompe. "La menace de baisser le seuil de vente à perte a été brandie. Elle ne sera pas dans le texte de mercredi (en Conseil des ministres, NDLR). On la garde comme menace", a déclaré dimanche Emmanuel Macron sur France 2 et TF1.
Vendre à "prix coûtant"
À la place, le gouvernement souhaite demander à la filière "de faire un prix coûtant", ce qui fera l'objet d'une réunion dans la semaine avec la Première ministre, a dit le chef de l'État. Et pour les plus modestes, le président a annoncé une nouvelle aide pour compenser le prix élevé du carburant, "limitée aux travailleurs" et qui pourrait atteindre "100 euros par voiture et par an". "On se réjouit de l'abandon de cette mesure qui était anti-économique, au profit d'une aide directe au consommateur", a réagi lundi auprès de l'AFP Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD).
Aucun distributeur joint par l'AFP n'a souhaité commenter ou n'avait répondu dans l'immédiat. L'un d'entre eux a juste soufflé : "Le bon sens et la cohérence politique l'ont emporté".
La Confédération des commerçants de France a, elle, redemandé lundi la mise en place d'une "commission de suivi d'impact sur l'ensemble des commerces de proximité" de la vente à prix coûtant du carburant.
Levée de boucliers
Pour l'exécutif, il y a urgence à trouver des solutions à la forte hausse des prix à la pompe depuis cet été, autour des deux euros le litre, dans le sillage de l'envolée des cours du pétrole. La vente à perte, qui devait prendre effet début décembre pour une durée de six mois, avait suscité une levée de boucliers. Les distributeurs E.Leclerc, Carrefour, Intermarché et Système U s'y étaient tous opposés.
L'interdiction "de la revente à perte est un principe très important du commerce depuis 1963", a estimé Alexandre Bompard, PDG de Carrefour et président de la FCD, devant l'Assemblée nationale mercredi. Environ la moitié des stations-service de France sont exploitées par des grandes surfaces.
Accord sur les marges ?
Le projet de loi attendu en conseil des ministres - en même temps que le projet de budget de l'Etat pour 2024 -, portera donc principalement sur l'inflation alimentaire, mais avec une portée incertaine. En réponse aux supermarchés qui accusent leurs fournisseurs agro-industriels de ne pas vouloir renégocier leurs tarifs à la baisse alors que leurs coûts auraient selon eux baissé, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a dit vouloir avancer au 15 janvier la clôture de ces discussions annuelles, habituellement achevées en mars.
Emmanuel Macron a, lui, précisé dimanche vouloir trouver avec les grands industriels "un accord sur la modération des marges dans le secteur" avec des "contrôleurs qui procèderont à des vérifications".
Ces annonces s'inscrivent dans un cadre de forte inflation des prix des produits alimentaires qui, s'ils ont commencé à ralentir, connaissent encore des envolées à deux chiffres (11,2% sur un an en août, selon l'Insee). Le changement de calendrier ne concernerait que les plus gros industriels, souvent des multinationales comme Nestlé, Mondelez ou Procter&Gamble.
Rien ne permet cependant d'assurer que les renégociations accoucheront de baisses de tarifs. Les industriels affirment en cœur que leurs coûts de production sont loin d'avoir baissé, et que le repli de certaines matières premières n'est pas forcément significatif.
Ce à quoi les supermarchés rétorquent que les hausses consenties lors du précédent cycle de négociation pour 2023 (+9% en moyenne) étaient basées sur des anticipations de hausses de coûts qui ne se sont que partiellement confirmées. Fin août, l'exécutif avait annoncé avoir trouvé avec les grands acteurs de la distribution un accord pour stopper la hausse, voire faire baisser les prix de 5.000 références.