Des étudiants en médecine s'entraînent-ils à faire des touchers vaginaux sur des patientes sous anesthésie générale ? Un document de la Faculté de médecine de Lyon Sud, révélé par Metronews, fait polémique depuis lundi. Plus disponible en ligne depuis, la notice de consignes destinée aux étudiants indiquait en face du "savoir faire" à acquérir "examen clinique de l'utérus et des annexes par le toucher vaginal et le palper abdominal" que cette pratique peut se faire "en apprentissage au bloc sur patiente endormie".
Une formulation qui jette le trouble et pose la question du consentement des patientes. Qu'en est-il vraiment ? Europe1 a interrogé le professeur Daniel Raudrant dont le nom est mentionné sur le document polémique, et le professeur Bernard Hédon, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français.
En 2015 l'Université Lyon 1 conseille tjs à ses étudiants l'examen vaginal non consenti lors des AG RT @ClaradeBortpic.twitter.com/S6oJX6icUl— Mme Déjantée (@MmeDejantee) 28 Janvier 2015
"Un vieux document". Daniel Raudrant est clair : il n'avait jamais eu connaissance de ce document avant l'article de Metronews. "Le document qui circule existait avant mon arrivée à Lyon Sud, mais pas sous mon entête et une secrétaire a du modifier l’entête quand j’ai été nommé chef de service", explique-t-il en prenant soin de nous communiquer le document qu'il remet aux étudiants hospitaliers dans son service.
"Une supposition monstrueuse". "Il va de soit que je n’ai jamais organisé ni moi, ni le Professeur Golfier, actuel chef de service, de séances de formation des étudiants sur patiente endormie. En aucun cas, il n’y a sous anesthésie d’examen gynécologique ou de pose de spéculum pour la formation", explique le Professeur Audrant en poursuivant : "que l’on puisse supposer des séances de formations sur des patientes endormies non informées me parait simplement monstrueux".
Si un toucher vaginal doit être pratiqué par un externe, cela se passe, insiste-t-il dans le cadre d'une consultation lorsque la patiente est éveillée : "il m’arrive de proposer à la patiente que l’externe pose le spéculum sous mon contrôle et je n’insiste pas si cela l’ennuie", explique le gynécologue.
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"Pas un entrainement au toucher vaginal". Egalement joint par Europe1, Bernard Hédon, Professeur de gynécologie obstétrique au CHU de Montpellier et président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français est sur la même ligne : "je ne peux pas parler pour tous les CHU, mais généralement cela se fait d'abord sur mannequin et puis ensuite lorsque les gestes de base sont acquis dans le cadre des consultations avec un tuteur senior avec des patientes éveillées et auxquelles la raison de ce second examen par un étudiant est expliquée", explique-t-il.
Les touchers vaginaux sous anesthésie, une réalité… Les examens gynécologiques sur des patientes sous anesthésie existent cependant bel et bien : "lorsqu'une patiente doit avoir une intervention au bloc opératoire (pour un kyste de l'ovaire, un fibrome…), il y a systématiquement un examen gynécologique sur table opératoire par le chirurgien qui va l'opérer car la gynécologie est une condition changeante en fonction du cycle et que l'examen sous anesthésie générale est un examen plus précis parce que l'abdomen est plus souple", détaille le gynécologue.
… mais la finalité n'est pas l'apprentissage. "A partir du moment où un senior tutorise un étudiant au moment de l'examen gynécologique, il peut faire examiner la patiente par l'étudiant parce que c'est dans le cadre l'apprentissage normal", explique le médecin. "Mais ce n'est pas un entraînement au toucher vaginal puisqu'il y a une pathologie et que la patiente va être opérée pour quelque chose", insiste-t-il. "Il ne faut pas voir cela comme un entrainement où l'on se dirait : 'tiens, on a quelqu'un d'endormi, on va en profiter comme d'un mannequin pour entraîner au toucher vaginal'. Pas du tout. C'est une patiente que l'on traite et, dans le cadre de sa prise en charge thérapeutique, on forme un médecin de demain à détecter des anomalies de palpation qui évoquent une pathologie. Voilà l'esprit", tranche le professeur.
La question du consentement. Pour autant la patiente est-elle au courant avant l'intervention qu'elle va subir un toucher vaginal sous anesthésie par un étudiant ? "Cela dépend si le médecin songe à le signaler lors de l'organisation de l'intervention", reconnaît Bernard Hédon. Ne faudrait-il pas systématiser et formaliser le consentement de la patiente ? "Cela ferait un document de plus. Rien ne vaut le dialogue direct avec la patiente", estime-il. Devant la polémique de ces derniers jours, le professeur met aussi en garde : "la vraie violence serait de s'empêcher d'examiner un patiente de peur que ce soit mal interprété".