Plus de 3.000. C'est le nombre de médicaments signalés en rupture de stock ou en risque de rupture depuis 2022. Une pénurie toujours d'actualité, qui se poursuit depuis plusieurs mois dans les pharmacies françaises. Amoxicilline, paracétamol, analgésique, antiépileptique, anticancéreux, pilule abortive sont notamment concernés par des pénuries ou des tensions d'approvisionnement, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Le 1er février dernier, le Sénat a d'ailleurs mis en place une commission d'enquête, présidée par la sénatrice centriste Sonia de La Provôté pour "faire toute la lumière sur les causes de ces pénuries" et "proposer des solutions pour y remédier". Une situation qui pourrait avoir des conséquences dramatiques dans la vie des patients : selon l'organisation France Assos Santé, qui a participé à la commission sénatoriale, "45% des personnes confrontées à ces pénuries ont été contraintes de reporter leur traitement, de le modifier, voire d’y renoncer ou de l’arrêter".
Comment expliquer la pénurie de médicaments ?
D'autant plus que les pénuries de médicaments se sont multipliées cette dernière décennie : en 2013, 300 références ont été signalées en rupture de stock ; cette année, on en dénombre 3.000. Plusieurs facteurs ont amplifié ce problème. Tout d'abord, le Covid : la Chine, l'un des principaux producteurs de médicaments, a vu son nombre de contaminations exploser à la fin de l'année 2022 et avait décidé de ne plus exporter certains médicaments, notamment ceux à base de paracétamol, pour les réserver à son marché intérieur.
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Ensuite, la France a été touchée par une double épidémie de grippe et de bronchiolite cet hiver, ce qui a largement augmenté la demande de certaines molécules. Indirectement enfin, la guerre en Ukraine a aussi eu des conséquences sur le marché du médicament, entraînant une hausse du prix du conditionnement des produits.
Plus largement, les capacités de productions insuffisantes, la complexité des chaînes de fabrication, la concentration des fabricants ou les difficultés d'approvisionnement des matières premières augmentent le risque de pénuries, alors que de nombreux pays ont besoin de plus en plus de médicaments en raison du vieillissement de leur population.
Quelles solutions pour limiter le risque de pénurie ?
Alors qu'une grande partie des médicaments est produite en Asie, l'une des solutions pourrait être de relocaliser les productions en Europe. Le ministre de la Santé, François Braun, a annoncé sa volonté de mettre en place une "politique française de souveraineté, mais aussi une politique européenne". Car au-delà de la France, plusieurs pays européens sont touchés par des ruptures de stocks.
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Ce jeudi, le Leem, lobby français de l'industrie pharmaceutique, recommandait la désignation d'"un haut ou une haute commissaire au médicament pour assurer une coordination du plan d'action au niveau français et européen". Le lobby plaide aussi pour une revalorisation du prix des médicaments en sortie d'usine, pour se mettre au niveau d'une partie des autres pays européens, qui les achètent plus chers, et seraient donc privilégiés par certains fabricants lors de périodes de tensions d'approvisionnement.
Le gouvernement est également en train de réaliser une liste d'environ 280 médicaments "essentiels", pour tenter d'éviter de futures pénuries. L'insuline, l'amoxicilline, le paracétamol ou les médicaments antiépileptiques devraient en faire partie.