Axel Kahn sur la mesure de l'OMS contre les bébés OGM : "Il n'y a pas de garde-fou d'une efficacité absolue"

L'OMS vient d'annoncer la mise en place d'un registre central permettant de répertorier les recherches effectuées sur la modification des génomes humains. 4:07
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Sur Europe 1, le généticien Axel Kahn s'est montré prudent concernant la mise en place par l'Organisation mondiale de la santé d'un registre central pour tracer les recherches sur les modifications apportées aux génomes humains. 
INTERVIEW

Il y a presque dix mois naissaient en Chine les premiers bébés génétiquement modifiés. C'est He Jiankui, un scientifique chinois, qui avait annoncé la nouvelle dans une vidéo Youtube : il affirmait avoir fait naître des jumelles dont l'ADN avait été modifié pour les rendre résistantes au virus du Sida. L'expérience inédite avait suscité un tollé mondial. Il a cependant fallu attendre la fin du mois de juillet pour que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) effectue une première mise en garde. Jeudi, l'organisation a annoncé la mise en place d'un registre central afin de suivre les recherches sur les modifications apportées aux génomes humains. 

Axel Kahn, généticien et ancien membre du Comité national d'éthique, s'était immédiatement indigné, qualifiant cette expérimentation de pure "folie". Sur Europe 1, il fait part vendredi de ses réserves concernant la mise en place tardive de ce registre central voulu par l'OMS. 

"Face à cette menace, l'OMS s'est réveillée"

"Je pense que [l'OMS] a été un peu sidérée par cet essai", suppose-t-il pour justifier la longue période de silence de l'organisation internationale. "Elle s'est rendu compte que, certainement, le collègue chinois était à l'avant-garde d'un mouvement qui peut être beaucoup plus important. Et donc face à cette menace, cette possibilité, l'OMS en effet s'est réveillée", estime-t-il. Le chercheur chinois avait par ailleurs annoncé en novembre dernier qu'il faisait une "pause" dans ses essais

"On est dans une phase de notre société où l'on crée des bébés transgéniques"

"Il n'y a pas de garde fou d'une efficacité absolue", regrette-t-il en admettant que "la mobilisation, l'attention, le suivi, la mise en garde, c'est mieux que rien". Une mesure à l'impact trop faible, estime le chercheur, à une époque où des mouvements idéologiques "très forts" gagnent du terrain. "Vous savez le mouvement idéologique en faveur du transhumanisme est presque devenu dominant aux États-Unis et il est très fort dans d'autres pays. Il est devenu même très fort dans notre pays", souligne-t-il. Et pour Axel Kahn, la modification génétique des embryons est liée, de près ou de loin, à ce mouvement. "Les gens qui mettent en avant la modification génétique de l'embryon ne peuvent pas ne pas avoir en tête le transhumanisme, c'est-à-dire la naissance de lignage avec des traits supposément améliorateurs", affirme-t-il. 

La mise en place d'un tel registre semble alors nécessaire, puisque la Chine n'est pas le seul pays à travailler sur la modification génétique des génomes humains : la Russie travaille elle aussi sur ce type de procédures, et elle n'est peut-être pas la seule. "Faire un registre, c'est prendre en compte et, d'une certaine manière, reconnaître qu'on est dans une phase de notre société où l'on crée des bébés transgéniques", redoute le généticien de 74 ans. 

Éviter de "traficoter génétiquement" les embryons

Le problème, pour le chercheur, c'est aussi que ces expérimentations visant à "traficoter génétiquement" des embryons ne sont pas essentielles à la médecine. "Guérir une maladie chez l'embryon, pourquoi pas", conçoit-il en ajoutant tout de même que "si on sait qu'un embryon va se développer en étant malade, la meilleure manière [d'éviter cela] c'est de faire un tri d'embryon". Cette procédure, qui consiste à placer dans l'utérus de la mère "les embryons seins", est selon lui "la méthode la plus sure et la plus simple" d'éviter la naissance d'un enfant malade.