Des médecins et associations favorables à l'utilisation du baclofène pour lutter contre l'alcoolisme ont accusé vendredi l'Agence du médicament (ANSM) de "manipulation" après un avis négatif rendu par un comité d'experts qu'elle a missionné. Dans un avis rendu public mardi, un comité d'experts indépendant mandaté par l'ANSM juge "insuffisante" l'efficacité du baclofène contre l'alcoolisme et considère son "rapport bénéfice/risque négatif".
Ils pointent des "erreurs d’appréciation". "Ce travail téléguidé et superficiel discrédite une fois de plus l'Agence du médicament", ont répliqué, vendredi dans un communiqué, sept médecins spécialistes du baclofène et cinq associations de patients. "Dans ce dossier comme dans d'autres, l'ANSM se distingue par sa légèreté scientifique, ses manipulations, sa désinvolture à l'égard de la recherche équitable et contradictoire de la vérité, son arrogance à l'égard des spécialistes de terrain, son mépris de la parole et de l'intérêt des patients", accusent-ils.
Ils estiment que l'avis des experts "n'a fait que reprendre l'opinion et les erreurs d'appréciation" de l'ANSM sur le baclofène, et soulignent qu'"aucun des membres du comité n'est spécialiste de l'addiction à l'alcool". Parmi les signataires figurent Renaud de Beaurepaire, Bernard Granger et Philippe Jaury, trois médecins partisans du baclofène, l'ancien président du Comité national d'éthique Didier Sicard ainsi que les associations Baclohelp et Olivier-Ameisen.
Une bataille judiciaire en cours. Le baclofène est prescrit depuis les années 1970 comme relaxant musculaire. En France, il est autorisé depuis 2014 pour traiter la dépendance à l'alcool, grâce à une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Il y a un an, un laboratoire, Ethypharm, a fait une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) afin de le commercialiser spécifiquement dans le traitement de l'alcoolisme. L'avis du comité d'experts est la première étape de cette demande d'AMM.
Parallèlement, le baclofène est au centre d'une bataille en justice. Une patiente, qui est aussi l'épouse du fondateur de Baclohelp, a saisi le Conseil d'État. Elle s'oppose à la décision prise en juillet 2017 par l'ANSM d'abaisser la dose maximale de baclofène autorisée dans le traitement de l'alcoolisme, à 80 mg par jour contre 300 auparavant. Fin février, le Conseil d'État a rejeté sa demande d'annulation en urgence de cette décision, en attendant de se prononcer sur le fond. L'audience sur le fond aura lieu mercredi 2 mai.