Le bilan est définitif : 1.046 marins du porte-avions français Charles de Gaulle ont été testés positifs au coronavirus sur un total de 1.760. Au micro d'Europe 1, samedi soir, le chef d'état-major de la Marine Christophe Prazuck s'est exprimé sur une épidémie qui n'a pas été détectée suffisamment tôt pour éviter que le bateau ne se transforme en foyer de Covid-19.
"Pourquoi y a-t-il un cas Charles de Gaulle ? Très vraisemblablement à cause de la grande densité de population à bord de ce bateau, à peu près 2.000 marins qui se croisent", explique l'amiral Prazuck, interrogé par Wendy Bouchard dans le Grand journal du soir. Pourtant, explique-t-il, "des mesures ont été mises en place à bord" pour éviter les contaminations. Mais "ces mesures ont été contournées et n'ont pas permis de détecter le début de l'épidémie, et donc de la contenir."
Des mesures appliquées la veille du confinement
"Ces mesures", poursuit le chef d'état-major, "c'était par exemple, après l'appareillage du bateau de son escale de Brest, un questionnaire rempli par chacun des près de 2.000 marins à bord. Sur la base de ce questionnaire, les médecins ont identifié 350 marins sur lequel ils allaient exercer un suivi médical bi-quotidien particulier. Il y a eu également la fermeture de lieux de vie et une modification des habitudes à bord."
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Aujourd'hui, 60% des marins ont été contaminés par le coronavirus, avec une trentaine d'hospitalisations. Les mesures barrières citées par le chef d'état-major ont-elles été prises trop tard ? "Le 16 mars au matin (la veille du confinement imposé en France, ndlr), le bateau quitte Brest où il a fait escale pendant la durée du week-end. Les mesures barrières sont mises en place à partir de ce moment-là, pendant 14 jours", retrace l'amiral.
"Le 6 avril, le bateau se rend compte qu'il se passe quelque chose d'anormal à bord, et le 7 la mission est interrompue", poursuit l'amiral Christophe Prazuck. La ministre (des Armées, Florence Parly, NDLR) demande immédiatement, l'arrêt de la mission, la mise en route au plus vite vers Toulon et le déploiement de médecins à bord du Charles de Gaulle pour faire les premiers tests. Dans la foulée, il est procédé à l'évacuation de trois marins qui ont des symptômes qui se renforcent."
Deux enquêtes en cours
Pour savoir pourquoi le bateau est devenu un foyer de l'épidémie, deux enquêtes sont en cours : une enquête de commandement sur la gestion de la crise et une enquête épidémiologiste. "Parmi le commandement du Charles de Gaulle, il y a un médecin major et une intrication entre les décisions prises pour remplir les missions et les décisions médicales", souligne le chef d'état-major de la Marine. "L'enquête de commandement lancée se fait avec des médecins pour établir la totalité des faits, établir les décisions prises et comprendre le pourquoi et le comment de cette prise de décision."
Mais il y a aussi d'autres enquêtes, comme celle de Mediapart, dans laquelle des marins disent ne pas avoir rejoint la zone de confinement, quand d'autres sont sortis dès que les premiers symptômes se sont estompés. "L'enquête de commandement permettra d'établir ces réalité et ces faits", répond le responsable militaire. "Les mesures étaient-elles mal conçues, mal appliquées ou mal contrôlées, ou est-ce que le virus a contourné tout ça ? C'est ce qu'on veut comprendre."
Au micro d'Europe 1, l'amiral Christophe Prazuck évoque encore un "virus furtif et sournois" qui a "manifestement contourné" les mesures prises sur tous les bateaux de la Marine : "Nous devons comprendre ce qui s'est passé et adapter nos procédures et nos matériels pour assurer notre résilience", insiste-t-il, alors que 1.226 marins ont été contaminés par le coronavirus, sur les quelque 40.000 hommes et femmes que compte la Marine.