Les personnes qui ont eu une expérience de mort imminente (EMI) en ressortent durablement transformées. Ces phénomènes sont rigoureusement étudiés par des chercheurs, à l'instar de Sylvie Cafardy. Cette médecin spécialisée en gériatrie à l'hôpital de Montmorillon, en Nouvelle-Aquitaine, y a consacré une bonne partie de sa vie, y compris sa thèse de doctorat. "J'ai considéré que les EMI étaient un sujet d'études comme un autre et j'ai suivi une démarche scientifique". Dans "Sans Rendez-vous", sur Europe 1, elle revient sur son ouvrage Expériences de mort imminente et livre quelques détails sur ce phénomène encore incompris par la science.
Que voit-on lorsque l'on vit une EMI ?
D'après les nombreux témoignages recueillis par Sylvie Cafardy, les "expérienceurs", les personnes qui ont vécu une EMI, "se sentent hyperconscients (alors qu'ils semblent inconscients aux yeux de leur entourage), ils se sentent sortir de leur corps et leur lucidité est exacerbée", explique-t-elle.
Concrètement, ils semblent souvent voir ou entendre des choses qui sont hors de la portée de leurs sens. Si le récit peut varier en fonction des témoignages, une trame commune semble se dessiner chez les patients rencontrés par Sylvie Cafardy. "Ils traversent un tunnel qui peut être lumineux et qui aboutit à un océan de lumière. Certains perçoivent par exemple une lumière décrite comme 1.000 fois plus intense que celle du Soleil, mais qui n'éblouit pas". Parfois, ils croisent aussi "un être de conscience. À ce moment-là, les 'expérienceurs' accèdent à un amour et à une connaissance totale. Certains reconnaissent même des proches décédés", décrit la spécialiste.
Comment une EMI transforme-t-elle les "expérienceurs" ?
D'après Sylvie Cafardy, quand les "expérienceurs" reviennent de cet "océan de lumière", ils sont transformés. "Ils n'ont plus peur de la mort, ils ont vu défiler leur vie, ils ont ressenti un bien-être intense." Une expérience telle qu'il leur "faut ensuite en moyenne sept ans pour arriver à la digérer et à adapter leur vie à leur nouveau système de valeur".
Car de très nombreuses personnes qui ont vécu une EMI changent de vie et se reconvertissent : "Ils deviennent souvent soignants", affirme la spécialiste en évoquant l'exemple de "Gégé", un de ses anciens collègues qui a vécu cette expérience. Ancien peintre en bâtiment, il fait un arrêt cardio-respiratoire et a vécu une EMI. Quelques années plus tard, il est un aide-soignant qui a la particularité "de ne plus avoir peur de la mort".
L'EMI peut aider à affronter la peur de la mort
Cette quiétude face au trépas qui unie les "expérienceurs" rencontrés par Sylvie Cafardy peut également se révéler utile pour le reste du monde. "Leur sérénité face à l'au-delà est contagieuse", explique Sylvie Cafardy.
La spécialiste raconte même la fin de vie d'un de ses anciens patients terrifié à l'idée de se sentir mourir. "Bien qu'il ne souffrait pas, il m'avait demandé la sédation terminale, mais comme je connaissais une infirmière qui avait vécu une EMI, je lui ai présenté." Et après quelques minutes de discussion, le patient était assez rassuré pour retirer sa requête. "Il a pu rester lucide, revoir sa famille, leur dire au revoir et s'éteindre paisiblement dans son sommeil."
Et ce n'est pas le seul patient à avoir ressenti un bénéfice à l'écoute du témoignage d'un "expérienceur". Dans le service des soins palliatifs du CHU marseillais de la Timone, des livres et des vidéos autour de ces expériences sont utilisées pour aider ceux qui doivent se préparer à la mort. "Quand les patients du psychologue Éric Dudoit lui disent qu'ils ont peur de se sentir mourir, il leur propose cette démarche. Et il a pu remarquer par des tests une baisse nette de l'anxiété chez ces derniers", indique la médecin.
Une EMI ne survient pas forcément dans une situation de danger mortel
Si le nom d'expérience de mort imminente laisse entendre qu'il faut être dans une situation dangereuse pour la vivre, il n'en est rien. "Cela peut arriver dans toutes les situations", affirme la médecin qui cite pêle-mêle "un choc physique ou émotionnel important (qu'il soit positif ou négatif), une relaxation importante, une anesthésie, une méditation profonde ou encore une sieste".
Comment expliquer les EMI ?
La science est pour l'instant dans l'incapacité d'expliquer comment et pourquoi survient une EMI. Mais pour Sylvie Cafardy, l'explication est à chercher du côté de la conscience et de la physique quantique. "Le problème des EMI est le problème du fonctionnement et de la nature de la conscience. Et mon hypothèse est que cette dernière pourrait fonctionner indépendamment du cerveau, tout en étant en interaction étroite avec lui."
D'après les témoignages des "expérienceurs", "il y a des similitudes très troublantes entre ce qu'ils décrivent et les physiciens spécialistes du comportement des particules quantiques, les briques de l'infiniment petit qui composent les atomes. Et si la quasi-intégralité de notre réalité est composée de particules quantiques, pourquoi pas notre conscience ?" Mais la spécialiste insiste, cela reste pour l'heure un "mystère".