Et si la médecine aussi se dématérialisait ? C'est en tout cas l'un des objectifs du ministère de la Santé, notamment pour lutter contre les déserts médicaux. La ministre Agnès Buzyn a donné comme mission au directeur de l'Assurance maladie "d'inscrire la télémédecine dans le droit commun". Et parmi les mesures prévues se trouve le développement des téléconsultations médicales, dont les modalités et les tarifs sont discutés par l'Assurance maladie et les syndicats de médecins à partir de jeudi. Car si aujourd'hui seuls 2% des Français ont testé cette technologie, le gouvernement souhaite la diffuser plus largement. Mais de quoi s'agit-il exactement ?
Qu'est-ce qu'une téléconsultation ?
Le principe de ces consultations, créées en 2010 grâce à la loi "Hôpital, patients, santé, territoires", est simple : rencontrer un médecin à distance par écran interposé plutôt qu'en face à face dans un cabinet. Le patient se place dans une salle équipée d'un écran et d'une caméra dont le médecin se sert pour l'examen. Un infirmier peut par ailleurs examiner lui-même le patient sur les ordres du médecin. Le praticien peut ensuite envoyer une ordonnance imprimable sur place à l'issue de son diagnostic, à la manière d'une consultation traditionnelle.
Néanmoins cette consultation est à distinguer des services privés de médecins qui opèrent en ligne comme le site Internet MesDocteurs. Pour différents tarifs, les patients peuvent (de deux euros la minute à 6 euros la question) poser une question médicale ou s'entretenir avec un professionnel de santé généraliste ou spécialiste par visioconférence. Ce type de consultation ne relève pas des dispositions évoquées dans le projet du ministère de la Santé.
Combien coûte une telle consultation ?
Pour l'instant, une téléconsultation est facturée 25 euros, comme celle effectuée de manière traditionnelle mais elle reste entièrement à la charge du patient. Seuls trois actes de télémédecines sont remboursés par la Sécurité sociale : deux actes d’orthoptie et un d'ophtalmologie, servant à dépister la rétinopathie diabétique, une maladie des yeux.
Les négociations entre syndicats de médecins et l'Assurance maladie devraient trancher la question des tarifs. "Un avis ponctuel et court doit être valorisé au minimum sur le tarif de la consultation de base", soit 25 euros, voire davantage "pour un examen approfondi sur la base d'un dossier complet", estime le président de la CSMF, Jean-Paul Ortiz, qui demande également "des aides à l'équipement et à la formation".
Est-ce de la vraie médecine ?
Si certains patients sont soulagés d'avoir accès à un médecin, les praticiens, eux, ne sont pas tous convaincus. C'est le cas notamment du médecin consultant d'Europe 1, Gérald Kierzek. Cette innovation technologique "n'est pas de la médecine", regrettait-il en janvier dernier. "La médecine, n'est pas que de la technique, c'est de la relation humaine, du temps, de l'empathie médicale. C'est la palpation également et la machine ne va pas pouvoir le faire. On imagine bien tous les gestes qu'un médecin va faire et pas cette machine. C'est du business."
Pourtant selon le docteur Thierry Manteau interrogé par BFMTV, l'examen clinique du patient ne représente souvent qu'un complément à l'entretien. Seul moment où cet examen physique est absolument nécessaire : la délivrance d'un arrêt de travail et d'un certificat d'aptitude à la pratique d'un sport.
Et pour les patients qui y ont déjà eu recours, le principe du "c'est mieux que rien" s'applique souvent. "C'est vrai qu'une consultation à distance, surtout qu'il y a la médiation d'une infirmière, cela peut aider", estimait Vanik Berberian, président de l’association des maires ruraux de France auprès de FranceInfo. "Si ça peut permettre de désengorger les salles d'attente ou éviter que le médecin passe des heures sur la route avec sa voiture pour aller voir ses patients, c'est plutôt une bonne solution. Mais encore une fois, ce n'est pas la solution."
Quels sont les avantages de ce dispositif ?
En plus de lutter contre les déserts médicaux en permettant à des personnes de consulter un médecin lorsqu'ils n'en ont pas à proximité de leur domicile, la télémédecine offre plusieurs avantages. Par exemple, les délais pour obtenir un rendez-vous ont été considérablement réduits, comme l'expliquait à Europe 1 le docteur Céline Mésonoble qui y a recours depuis 2012. Cette spécialiste d'un service gériatrique essonnien assure que le délai n'est plus que de deux semaines pour la consulter, soit huit fois moins que pour une consultation classique.
La téléconsultation permet également de limiter les déplacements pour les patients âgés ou très éloigné des professionnels de santé. C'est d'ailleurs pour cette raison que de nombreux Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) se sont équipés de cette technologie.
Quel dispositif technique est nécessaire ?
Pour qu'une téléconsultation soit possible, il faut tout d'abord avoir une salle équipée de l'écran de transmission et de la caméra. Ce qui représente un coût non-négligeable : la petite ville d'Oberbruck (Haut-Rhin) a ainsi dû débourser 50.000 euros pour l'acquérir. Les territoires concernés doivent également bénéficier d'une solide connexion Internet sécurisée. Une condition parfois difficile à remplir car les déserts médicaux sont souvent aussi des zones blanches en termes de télécommunications. Par ailleurs, la présence d'un professionnel de santé, pouvait au besoin seconder le médecin à distance, est souvent requise.