Le retour en entreprise après une longue absence peut constituer un véritable challenge pour un salarié qui a fait un burn out, aussi appelé "syndrome de l'épuisement professionnel". D'autant plus que l'entreprise est l'un des facteurs déclenchant de la maladie. "Souvent, le patient a du mal à revenir à l'entreprise à cause d'un sentiment de culpabilité, voire une véritable phobie", décrit Christophe Bagot, psychiatre et psychotérapeute spécialiste du burn out. Alors dans ses nouvelles recommandations rendues publiques lundi, la Haute Autorité de Santé indique quelques règles à suivre pour que le patient retrouve le chemin du bureau. Un parcours qui demande une certaine préparation.
Le burn out n'amène pas à quitter définitivement le monde professionnel. Le retour à l'emploi est bel et bien l'un des objectifs du traitement, même si ce n'est pas toujours dans les mêmes conditions qu'au départ. "Lorsque les gens ont retrouvé une activité, soit ils sont de retour dans le même poste, soit dans la même entreprise mais à un poste aménagé, soit ils ont repris une activité dans un champ complètement différent de celui qu'ils avaient quitté", détaille Patrick Légeron, psychiatre et coauteur du rapport de l'Académie nationale de médecine sur le burn out professionnel.
Un changement de voie qui résulte souvent des questions que se pose le patient au cour de la psychothérapie. Car c'est à ce moment-là qu'il s'interroge sur ses réelles motivations qu'il l'ont poussé vers le métier qu'il exerçait. Le patient fait alors un "choix de vie", observe le médecin qui donne l'exemple d'un ancien cadre bancaire qui, après deux ans d'arrêt de travail, vend désormais des produits bio. Mais ce n'est pas toujours le cas.
Peu de données statistiques sont disponibles sur le sujet. Mais selon Catherine Vasey, psychologue à Lausanne (en Suisse) et auteur de Comment rester vivant au travail ?, avec un bon suivi, 80% des patients retrouvent leur ancien poste dans lequel tout se passe bien. Elle reconnaît toutefois que six mois ou un an après un retour, certains salariés peuvent changer de voie professionnelle. Mais il ne s'agit alors pas d'une fuite pour échapper à une situation de souffrance. Car elle estime que changer de métier est un symptôme du mal-être en entreprise et non une solution.
Retourner au travail fait partie du traitement. "Pour guérir, il faut retourner au travail", assure Catherine Vasey. Contrairement aux autres maladies, on n'attend pas d'être guéri pour mettre fin à un arrêt de travail pour burn out. Mais avant de retrouver son poste, il faut identifier le bon moment, qui arrive en général après deux ou trois mois d'arrêts de travail.
Pour cela, la spécialiste décrit plusieurs critères : le patient ne doit plus avoir de troubles du sommeil, il doit avoir récupéré un minimum de 50% de son énergie habituelle et enfin il doit avoir déjà intégré dans son quotidien de nouvelles attitudes. "Comme un sportif, on ne développe pas de nouvelles techniques le jour de la compétition, mais pendant l'entraînement", explique Catherine Vasey.
Le patient doit également avoir entrepris une rééducation. "Une grande partie des personnes victimes d'un burn out ont des difficultés de concentration et des pertes de mémoire qui sont dues aux hormones de stress. Ils doivent donc faire un entraînement mental et intellectuel pour retrouver confiance en leurs capacités", détaille la spécialiste.
Pour être dans de bonnes conditions de retour, les patients doivent également avoir une "stratégie de communication" vis-à-vis de leurs collègues. Car dans certains domaines, le burn out reste tabou. Il faut donc savoir à l'avance ce que l'on va dire à ses collaborateurs pour justifier une longue absence. "On peut donner une excuse comme des troubles du sommeil", conseille Catherine Vasey. "Mais moins on en dit mieux c'est. Après tout, cela relève de la vie personnelle." Une crainte de la stigmatisation souvent rapidement oubliée puisque "les gens ont peu de mémoire en entreprise", constate Christophe Bagot.
Il faut anticiper et préparer ce retour. Néanmoins on ne reprend pas une activité professionnelle du jour au lendemain. "Il est nécessaire d'anticiper et de préparer le retour au travail", préconise la Haute Autorité de Santé. Les cas les plus sévères de burn out nécessitent des arrêts de travail de 18 à 24 mois. Des périodes très longues pendant lesquelles le salarié n'a aucun contact avec son entreprise, déplore le psychiatre Patrick Légeron. Le retour doit donc être très progressif.
"Cela existe de moins en moins en entreprise, mais il ne faut pas oublier qu'un patient qui revient d'un burn out est convalescent", renchérit Christophe Bagot. C'est pourquoi, après plusieurs mois de traitement, il ne peut revenir aux mêmes conditions dans le même poste de travail. Le salarié et l'entreprise doivent donc procéder à des aménagements, un ajustement nécessaire qui constitue l'une des recommandations de l'HAS.
Les personnes qui ont fait un burn out sont souvent perfectionnistes et ont du mal à se poser des limites. La première chose à faire, selon le Christophe Bagot, est de demander un mi-temps thérapeutique. "Encore faut-il que les patients le respectent", nuance-t-il néanmoins. Car le salarié convalescent doit retrouver progressivement sa charge de travail habituelle.
"Il ne faut pas surcharger la personne de travail, mais pas non plus la surprotéger car elle a besoin de stress pour tester ses limites et mettre à l'épreuve ses nouvelles techniques" mise en place pour se protéger du stress, explique Catherine Vasey. "Ce sont des personnes qui ont l'habitude de se renforcer dans la difficulté. Elles ne doivent donc pas être mises dans une voie de garage sinon elles ne retrouveront jamais leur confiance en elles."
Quant au risque de rechute, il est très faible, estime la spécialiste. Car les personnes qui ont fait un burn out connaissent parfaitement les mécanismes qui les ont amenées à cette situation. "Au contraire, ce sont des gens très solides parce qu'ils sont très vigilants et vont faire attention à prendre soin d'eux. Ils sauront dire non. Si l'est bien accompagné, il est très rare voire exceptionnel qu'un salarié conserve des séquelles de cette maladie."