En 2019, quelque 1.500 médicaments ont été signalés comme étant en rupture de stock dans les hôpitaux ou les pharmacies françaises, ce qui s'explique en partie par une production de plus en plus délocalisée. Or, un quart de ces produits concernent des médicaments contre le cancer. Pour alerter sur les conséquences de cette pénurie, la Ligue contre le cancer invite notamment des patients à témoigner sur une nouvelle plateforme en ligne, penuries.ligue-cancer.net.
"Il n’y a pas que la France, tous les pays du monde sont concernés", relève lundi au micro d’Europe Matin le généticien Axel Kahn, également président de La Ligue contre le cancer. "Des médicaments extrêmement importants, fondamentaux, sont tombés dans le domaine public, ils ne sont plus protégés par les brevets, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, et les prix diminuent. Mais comme les prix chutent, les laboratoires n’ont plus un grand intérêt commercial à les vendre, ils les font donc fabriquer à moindres coûts, presque toujours en Asie, avant tout en Inde et en Chine", explique ce spécialiste.
"Parfois, on ne sait pas quel traitement de substitution donner au malade"
"Pour certaines molécules, il n’y a plus qu’un fabriquant pour le monde entier. Lorsqu’un lot de fabrication connait un pépin, toute la production doit être détruite, et on se retrouve face à une pénurie qui peut durer plusieurs mois. C’est totalement dramatique", insiste-t-il. D’autant que ces pénuries, constatées dans 95% des hôpitaux français, pourraient avoir un impact sur la survie des malades. "Parfois, on ne sait pas quel traitement de substitution donner au malade. On ne lui dit pas, on ne lui donne pas les informations, c’est une perte de chances [de guérison]", constate Axel Kahn qui cite, à titre d’exemple, le cancer de la vessie. "Dans les formes peu graves, il est traité par des instillations intra-vésicales de deux produits, la Mitomyscine C et le BCG. Ces deux produits ont été en rupture de stock."
Une situation dont Marie-José Legrand, soignée pour ce type de cancer, a fait l'amère expérience en janvier dernier. "On a arrêté mes injections, par manque de produit. Je me sentais lésée et angoissée. Je risquais à nouveaux d’avoir des cellules cancéreuses", témoigne-t-elle auprès d’Europe 1. Par chance, elle a pu de nouveau disposer de son traitement au bout de trois mois. Mais dans certains cas, la maladie a le temps de reprendre du terrain, parfois de façon gravissime. "Des malades du cancer de la vessie ont vu leur maladie évoluer, envahir la paroi. Il a fallu intervenir et retirer la vessie", rapporte Axel Kahn.
Relocaliser les productions
"Il faut qu’il y ait reproduction de ces produits en France et dans toute l’Europe", plaide Axel Kahn. En attendant, La Ligue contre le cancer demande que les laboratoires qui vendent ces médicaments fassent des stocks d’au moins quatre mois. "Nous demandons des sanctions si ces stocks ne sont pas faits", ajoute le président de La Ligue contre le cancer.