Treize métaux lourds. Du mercure, de l’arsenic, de l’aluminium, de l’antimoine, du cadmium, du césium, du chrome, du cobalt, de l’étain, du nickel, du plomb et du vanadium ont été retrouvés dans les cheveux, l’urine et le sang des femmes enceintes, selon une étude inédite publiée mardi par Santé Publique France (ex-Institut de veille sanitaire). Entre 91% (pour le mercure) et 100% (pour l’arsenic, le plomb et le cobalt) des plus de 4.000 futures mamans soumises à l’étude sont ainsi "sur-imprégnées" de ces métaux lourds, selon l’étude. Y a-t-il matière à s’inquiéter ? Si les doses restent faibles dans la très grande majorité des cas, les chercheurs en appellent tout de même à la prudence, notamment sur l’alimentation.
Ces métaux sont-ils dangereux pour la santé ?
Comme le rappellent les chercheurs, tous ces métaux sont "cancérogènes ou suspectés d’être des perturbateurs endocriniens". L’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ne dit pas autre chose : ces métaux sont suspectés d’avoir des répercussions sur la grossesse (prématurité, malformations congénitales) et sur le développement de l’enfant (atteintes du système reproducteur, du métabolisme, du développement psychomoteur et intellectuel etc). Toutefois, l’étude publiée mardi indique que les taux sont très faibles, dans la moyenne des pays européens. Moins de 1% des femmes qui ont participé à l’étude ont un taux de métaux lourds dans le sang qui dépasse les seuils européens, au-dessus desquels le danger est avéré.
Pour autant, cela ne veut pas dire que tout risque est écarté. La littérature scientifique est en effet très incomplète, notamment sur l’effet "cocktail". En clair, si les dangers sont connus pour chacun de ces métaux pris individuellement, ils le sont beaucoup moins lorsque l’organisme est confronté à la présence de toutes ces substances en même temps. "Il est encore trop tôt pour mesurer les effets sanitaires sur les enfants", indique l’une des auteurs de l’étude de Santé Publique France, Clémence Fillol, dans Le Monde.
En outre, les taux de présence de ces métaux lourds risquent d’évoluer à l’avenir, si rien n’est fait pour changer nos modes de consommations et pour lutter contre la pollution de la mer. Car cette "surimprégnation" de métaux lourds trouverait en effet "une explication dans la consommation plus élevée de produits de la mer", explique Santé Publique France.
Faut-il donc limiter sa consommation de poisson ?
En réaction, l’Anses prépare même de nouvelles recommandations pour l’année prochaine. Aujourd’hui, il est déjà conseillé de ne pas consommer plus de deux poissons par semaine, dont un poisson gras. Car tous les poissons ne se valent pas. Requins, lamproies, marlins et sikis (une variété de requin) sont déjà fortement décommandés aux femmes enceintes et allaitantes, en raison de leur forte teneur en métaux lourds. Les poissons crus et les huitres sont aussi à proscrire pour les futures mamans, en raison du risque de listériose notamment. Espadon, raie blanche, thon et flétan sont également à consommer avec modération, et cela est valable pour chaque consommateur.
Maquereaux, dorades, anchois, sardines et hareng sont en revanche considérés comme plus sains. "Ces petits poissons bleus se nourrissent de plancton et ne vivent pas longtemps car ils sont vites mangés par les plus gros. Ils n’ont donc pas le temps d’accumuler beaucoup de polluants", indique au Parisien Corinne Cheval, diététicienne nutritionniste. Idem pour les crevettes.
Les spécialistes alertent toutefois sur le fait de ne pas bannir définitivement les produits de la mer. Riches en Omega 3, ils sont nécessaires pour le développement cérébral de l’enfant. "C’est une question très difficile. On trouve beaucoup de mercure dans les gros poissons en bout de chaîne alimentaire comme le thon et l’espadon, et en même temps, les bienfaits du poisson sont très importants", insiste dans Le Monde Barbara Demeneix (CNRS-Muséum national d’histoire naturelle), auteure de Cocktail toxique. Comment les perturbateurs endocriniens empoisonnent notre cerveau. Et de poursuivre : "Les poissons de mer contiennent du sélénium [un élément], qui est utile pour activer l’hormone thyroïdienne et neutraliser le mercure en le complexant chimiquement". En clair, les futures mamans doivent conserver une consommation limitée. Et privilégiez les petits poissons gras.