Manque d'accompagnement, précarité, tabagisme... La mortalité infantile en France ne cesse d'augmenter

La mortalité infantile en France n'a cessé d'augmenter en 2023, selon les informations d'Europe 1. Positionnée en bas du classement de l'Union européenne dans ce secteur, la France présente une moyenne de quatre morts pour 1.000 naissances. Des chiffres plus qu'alarmants qui peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs.
La France, 23e pays de l'Union européenne en termes de mortalité infantile. Une position inquiétante qui ne cesse de chuter depuis 2012 et qui, selon les informations d'Europe 1, n'a pas progressé en 2023, dernière année d'étude. Comme nous l'a confié le député LR des Hauts-de-Seine Philippe Juvin, l'équipe Necker actera dans une étude à paraitre dans les prochaines semaines, la hausse du taux de mortalité infantile sur le territoire.
Des chiffres qui alarment sur la prise en charge des femmes et des nourrissons dans le pays. Si plusieurs facteurs permettent de soulever des hypothèses, aucun ne permet d'aboutir à de véritables conclusions.
Des chiffres morbides
Chaque année en France, près de 1.200 nourrissons décèdent, soit l'équivalent de "presque 48 classes de maternelles". Des chiffres inquiétants dont s'est emparée Magali Barbieri, directrice de recherche à l'Ined. Dans un récent rapport, l'analyste explique que la France connait un taux de mortalité plus élevé que chez nos voisins européens. S'il atteint 4,5% chez les garçons et 3,7% chez les filles, la moyenne des 27 s'établit respectivement à 3,5% et 3%. Une différence entre sexes justifiée par "un système respiratoire moins abouti chez les garçons que les filles à la naissance".
Sont comprises dans la mortalité infantile, uniquement les naissances dites "vivantes". Les enfants morts nés sont donc exclus du décompte. Or, comme le met en lumière l'experte, grâce aux progrès réalisés en néonatalogie, de nombreuses mères arrivent aujourd'hui à aller au terme de leur grossesse, là où c'aurait été quasi impossible il y a quelques années.
Les enfants trop fragiles pour survivre décèdent cependant quelques jours après leur naissance et entrent donc dans la catégorie des mortalités infantiles. La mortalité néonatale, à savoir entre le jour de naissance et le 27e jour, est d'ailleurs la plus importante étant donné qu'elle représente 75% des décès, et s'élève même à 50% pour les mortalités néonatales précoces, c'est-à-dire durant les six premiers jours.
Un point qui pourrait être un facteur explicatif de la hausse du taux français, mais nuancé par la députée des Yvelines Anne Bergantz, co-auteure d'une mission flash sur la mortalité infantile en décembre 2023. "Des progrès sont également réalisés chez nos voisins européens comme la Suède, pourtant ils sont à 2 morts pour 1.000 naissances, là où nous sommes à 4 morts pour 1.000" témoigne cette dernière.
Des facteurs à risques multiples
La précarité, le tabagisme, l'obésité, ou encore la hausse du diabète sont autant de facteurs à risque qui permettent de dresser des hypothèses sur le taux de mortalité infantile en France. Effectivement, selon la mission flash réalisée par les députés Anne Bergantz et Philippe Juvin, "17.8% des femmes enceintes fumaient toujours au troisième cycle de leur grossesse", soit le pourcentage le plus élevé d'Europe. Un facteur à risque, qui ne permet cependant pas d'expliquer la hausse du taux de mortalité, comme le concède Magali Barbieri. L'analyste rappelle effectivement que "les femmes fument de moins en moins, ça ne peut donc pas être un facteur déterminant".
La chercheuse de l'Ined invite donc à se tourner du côté du facteur de précarité. En France métropolitaine, le département de Seine-Saint-Denis est le plus touché par la pauvreté. Or, il est également celui présentant la plus forte mortalité infantile. Pour Magali Bergantz et Anne Barbieri, le problème relève davantage de "la coordination" et de "l'accompagnement des femmes précaires" que "d'un manque réel d'accès aux soins". Une étude de 2021 de la Drees, révélait d'ailleurs que les femmes du 93 font partie des Françaises ayant un des meilleurs accès aux maternités.
Un manque d'accompagnement
La députée appelle à un meilleur accompagnement des futures mamans au long de leurs grossesses. Pour étayer son propos, elle compare la situation des Françaises avec les Suédoises qui rencontrent une dizaine de fois des membres du personnel soignant lorsqu'elles sont enceintes. "Avec un tel suivi, de fait il y a aussi un message de prévention qui passe mieux. Et on le voit bien, car seulement 4% des femmes suédoises continuent de fumer pendant leur grossesse".
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Elle ajoute également "que le problème ne peut pas être financier". L'accès aux soins étant largement pris en charge par la Sécurité sociale ou l'AME. Pour les personnes en situation irrégulière, elles sont nombreuses à ne "pas savoir vers qui se tourner, car il y a une mauvaise communication. On ne s'empare pas de ces sujets correctement".
Enfin, les deux députés déplorent largement l'inexistence d'un "registre des naissances en France afin de mesurer, comprendre et prévenir la mortalité infantile". Un tel registre permettrait de suivre les femmes durant la période de gestation, jusqu'à la naissance de l'enfant, et donc de comprendre les causes réelles des décès infantiles.
De fait, si de nombreuses hypothèses ont été soulevées, aucune conclusion n'a pu être réalisée par manque de données. Comme le dénonce Philippe Juvin, la création d'un tel registre a été rejetée par les différents gouvernements lors des Projets de loi de financement de la Sécurité sociale de 2024 et 2025.