"2.000 morts, 3.000 morts, 4000 morts par jour. Les gens ont fini par s'habituer à ce décompte macabre" déplore le docteur Vasconcelos, infectiologue à São Paulo au Brésil. Des cimetières débordés, des enterrements nuit et jour, le nombre de morts qui augmente...Le Brésil est plombé par des dizaines de mutants du variant brésilien du Covid-19 et pourtant, il est de plus en plus difficile de convaincre les gens de rester confinés. Un problème d'autant plus important que ce variant est plus contagieux que la première souche arrivée dans le pays. Et ces mutations inquiètent en France, même si pour l’instant la souche ne représente que 4% des variants dans le pays. De São Paulo, où la situation est particulièrement alarmante, à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle à Paris, Europe 1 est partie sur les traces de ce variant brésilien.
"Je reste chez moi pour sauver ma peau"
"Je pense même que si une étude confirme que le variant est plus mortel, ça ne leur ferait rien. Les gens sont anesthésiés, vous comprenez", poursuit l'infectiologue Vasconcelos. Anesthésiés et complètement perdus, car il n'existe aucune politique commune entre le président Jair Bolsonaro, les gouverneurs et les maires.
São Paulo vient par exemple de rouvrir les écoles, une décision incompréhensible pour beaucoup de parents au pire moment de la pandémie. "C'est irresponsable de les envoyer à l'école pour le moment. La majorité des patients intubé ont moins de 40 ans", s'indigne ce père de famille en télétravail depuis un an avec ses trois enfants. "Avant on se disait 'mieux vaut rester à la maison'. Aujourd'hui, je reste chez moi pour sauver ma peau. J'ai peur vraiment ! Si j'ai besoin d'être hospitalisé, il n'y a plus de lits en soins intensifs. Il faut rester calme et être très patient."
"Ce variant est une menace très sérieuse pour le monde"
La situation déborde nettement les hôpitaux et les scientifiques, alors qu'environ 10 % des 212 millions de Brésiliens ont reçu au moins une dose de vaccin. Pour Miguel Nicolelis, neuroscientifique, ancien président du comité anti-Covid dans la région du Nordeste, ce variant pourrait compromettre à lui seul la lutte contre l'épidémie. "Vous devriez être inquiets", prévient-il. "Car de ce qu'on sait, ce variant est le plus contagieux, deux fois et demie plus contagieux que la première souche qui est arrivée ici au Brésil. Cela cause de gigantesques dégâts ici, car c'est devenu le variant dominant notamment chez les jeunes".
Sans compter les nombreuses mutations du variant : "Le problème, c'est que ce variant mute sans cesse. On en est à 17 mutations jusqu'à présent, c'est beaucoup et c'est ce qui peut expliquer que c'est si transmissible", ajoute Miguel Nicolelis. "Ce variant est une menace très sérieuse pour le monde. Je ne voudrais pas le sous-estimer et je voudrais souligner sa gravité car ça pourrait saper les efforts de l'Europe, des Etats-Unis et de l'Asie à contenir cette pandémie".
Pas encore de contrôle spécifique dans les aéroports français
En France justement, il y a de quoi s'inquiéter car la situation pourrait devenir préoccupante si rien n’est fait pour éviter que ces variants n’arrivent sur le territoire, à l’image du Chili, où malgré la campagne de vaccination, les contaminations flambent, certains variants étant résistants aux vaccins. Alors quelles précautions sont prises dans les aéroports français pour tous les voyageurs en partance et provenance du Brésil ? Europe 1 s'est rendue lundi à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle à Paris. Avec deux vols par jour, peu de voyageurs reviennent du Brésil - environ une centaine chaque jour de Rio et Sao Paulo. Mais aucun contrôle spécifique n'est vraiment mis en place à leur arrivée en France. Ils doivent suivre le même protocole que les autres voyageurs venant de l’étranger : un test PCR négatif de moins de 72h, déclarer sur l’honneur qu’ils n’ont pas de symptôme et s’engager à s’isoler 7 jours.
Le protocole est légèrement renforcé depuis deux jours, avec un test antigénique à l’arrivée, comme pour d’autres pays jugés à risque. Les voyageurs testés positifs doivent se confiner 10 jours. "Il va falloir qu"ils s'isolent soit à une adresse qu’ils déclarent sur le territoire, soit dans une chambre d'hôtel à leur charge. Cela repose évidement sur leur bonne foi mais certains services de police peuvent éventuellement contrôler la présence de la personne au lieu de domicile qu’elle déclare", précise Cécile Aerdeman, commissaire à la police des frontières.
Un protocole largement insuffisant pour Rémi Salomon, président de la Commission Médicale d'Etablissement de l'APHP :
Il ne s'agit pas d'empêcher les français du Brésil de revenir en France. Le test PCR ne suffit pas, il est négatif durant les 3 à 5 jours qui suivent la contamination. Pour être sûr c'est 10 jours d'isolement et un test à la fin. Le risque est tel qu'il faut prendre ces mesures. https://t.co/Lc7apvDsP5
— Rémi Salomon (@RemiSalomon) April 12, 2021
Durcir le protocole comme en Angleterre ?
Et pour les voyageurs habitués aux allers-retours Paris-Rio, les déclarations sur l’honneur ne suffisent pas, il faudrait imposer l’isolement. "Y a personne qui respecte le confinement, c’est très inquiétant", assure ainsi José. Une autre voyageuse propose de "prendre l’exemple de l’Angleterre. Là-bas, c’est obligé et le gouvernement les appelle tous les jours pendant leur séjour en confinement".
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Ces voyageurs craignent que la seule solution pour protéger la France du variant brésilien soit finalement de fermer complètement les frontières avec le Brésil...