Au musée, au zoo, dans la nature, vous ne regardez déjà peut-être plus les animaux de la même manière. Intelligence animale et sensibilité s'invitent de plus en plus dans la préoccupation des humains. Emmanuelle Pouydebat, biologiste, directrice de recherches au CNRS et chercheuse au muséum national d’histoire naturelle, était l'invitée de l'émission C'est arrivé demain. Elle nous en dit plus sur l’intelligence animale.
L'outil aussi utilisé par les animaux. Son travail remet en perspective la soit-disant suprématie humaine, du moins l'idée que l'homme serait loin devant en matière d’intelligence. "J'entends par intelligence un ensemble de comportements qui va permettre à un individu ou une espèce de s'adapter à son milieu." L'outil, par exemple, qui a été un critère de culture chez l'homme, est également utilisé par les animaux : les primates le font mais aussi des invertébrés comme les guêpes ou les araignées, qui peuvent disposer "des pierres autour de leur terrier, tisser un fil qui va créer une vibration à l'approche d'une proie ou d'un prédateur".
Dans le genre étonnant, les chimpanzés "sont capables de se fabriquer des espèces de tongs quand ils ont à monter sur des troncs avec de grosses épines. Il se payent même le luxe de se mettre des grosses écorces sous les fesses pour se faire des fauteuils un peu plus confortables", décrit la biologiste. Les éléphants sont également très ingénieux. Utilisés en Asie pour différentes tâches, ils ont des cloches autour du cou pour être repérés. "Les éléphants prennent de la boue et la mettent dans la cloche pour que le son ne retentisse pas."
Transmission du savoir. Si les animaux savent apprendre, ils savent aussi transmettre. "Il y a des transmissions infraspécifiques, au sein même de l'espèce". Les mamans chimpanzés apprennent notamment aux petits à casser des noix avec des pierres. S'y ajoutent les phénomène d'observation et de tradition. "Une femelle macaque a eu l'idée, un jour, de tremper sa patate douce dans l'eau pour la nettoyer et ce comportement s'est transmis à sa famille, puis à tout le groupe puis dans d'autres groupes de macaques japonais. (...) Avant, ils n'allaient pas du tout dans l'eau, maintenant ils y jouent, ça a transformé leurs habitudes."
Empathie. Au-delà de leur capacité de réflexion, les animaux se montrent aussi empathiques. "En terme de coopération, on a énormément d'exemples touchants." Par exemple, les fourmis tisserandes vont avoir pour tâche de rassembler les feuilles, d'autres vont être occupées à coudre les feuilles entre elles en utilisant la soie produite par leurs propres larves. Autre exemple : un gorille qui avait appris le langage des signes faisait par de ses sentiments. En manque d'affection en captivité, il avait reçu deux chatons. L'un d'eux s'était malheureusement fait percuter par une voiture et sa soigneuse lui avait annoncé sa mort. Le gorille avait alors exprimé sa tristesse et poussait des gémissements.
Le plus surprenant, chez les animaux, reste peut-être leur part de mystère, notamment en termes de navigation spatiale. On ne sait pas encore comment des fourmis prennent des raccourcis, comment les pigeons voyageurs se repèrent, explique Emmanuelle Pouydebat. "Il y a probablement des sens qu'ils ont et que l'on a pas encore découvert."