La détérioration des sols de la planète va provoquer la migration d'au moins 50 millions d'humains d'ici 2050, et jusqu'à 700 millions si aucune mesure n'est prise pour enrayer les dégâts, ont alerté lundi des dizaines de scientifiques.
Cette dégradation des terres, causée entre autres par des pratiques agricoles non durables, la pollution et l'expansion urbaine, nuit déjà au bien-être de 3,2 milliards d'êtres humains, soit 40% de la population mondiale, ont-ils souligné dans le premier rapport global jamais réalisé sur ce thème.
87% des zones humides perdues. Les sols sont dans un état "critique", avertit cette vaste étude réalisée sous l'égide de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), réunie en session plénière toute la semaine à Medellin, en Colombie. "Nous avons transformé une grande partie de nos forêts, de nos prairies, nous avons perdu 87% de nos zones humides (…) Nous avons vraiment changé la surface terrestre", a souligné Robert Watson, président de l'IPBES, qui compte 129 pays membres.
Impact sur l'eau et l'air. Mal exploités ou surexploités, les sols perdent en qualité. Cela se traduit par une diminution croissante de "terres cultivables et donc de moyens de subsistance", ce qui "va forcer les gens à partir". "Il ne sera plus possible de vivre sur ces terres", a-t-il précisé. D'ici 2050, cette dégradation "conjuguée aux problèmes de changement climatique, qui y sont étroitement liés, va contraindre 50 à 700 millions de personnes à migrer", ajoute cette analyse réalisée par une centaine de chercheurs bénévoles de 45 pays.
La projection la plus optimiste sera atteinte même "si nous essayons vraiment d'avoir des pratiques agricoles et forestières plus durables, de minimiser le changement climatique par une économie à faible teneur en carbone", a ajouté Robert Watson. Mais "si nous continuons avec nos pratiques non durables et si le changement climatique devient de plus en plus critique", quelque 700 millions d'humains seront contraints de migrer au cours des 30 prochaines années, a-t-il mis en garde.
Terres détériorées, un facteur de guerres. Le phénomène est alimenté par "le style de vie hautement consumériste" des pays riches, ainsi que par la croissance des revenus et de la démographie dans les pays en développement, ajoute le rapport. La détérioration de la terre est aussi un facteur de guerres : "la diminution de productivité des sols rend les sociétés plus vulnérables à l'instabilité sociale, en particulier dans les régions sèches, où des années de très faibles précipitations ont été associées à une hausse des conflits violents allant jusqu'à 45%", soulignent les chercheurs. Elle a un impact sur la sécurité alimentaire, l'eau que nous buvons, l'air que nous respirons, donc sur l'ensemble des habitants de la Terre, outre un coût économique estimé à 10% du PIB annuel.
25% des terres pas "significativement affectées". À ce jour, seulement 25% des terres de la planète n'ont pas été "significativement affectées" par l'activité humaine, un ratio qui devrait chuter à 10% d'ici 2050. "Les forêts tropicales ont été historiquement peu peuplées parce qu'il était difficile d'y pénétrer. Aujourd'hui, nous y construisons des routes, nous y introduisons de l'agriculture", a précisé Robert Scholes, l'un des coauteurs du rapport. Ce type de pratiques affecte les animaux, les plantes ainsi que les forêts qui produisent de l'oxygène et absorbent les gaz responsables du réchauffement climatique.
Agir vite, limiter les coûts. Le rapport a demandé trois ans de travail et compile toutes les publications scientifiques récentes sur ce thème. Sa réalisation a coûté environ 810.000 euros (un million de dollars).
L'IPBES a déjà rendu vendredi un verdict inquiétant sur l'état de la biodiversité de la planète, menacée par une extinction massive des espèces, la première depuis la disparition des dinosaures, la première provoquée par les humains. Mais, au delà du diagnostic, l'IPBES a lundi encore donné des recommandations, comme elle l'a fait pour la protection des espèces.