"Personne n'est comme ça par choix, c'est sûr": torturé par ses fantasmes pédophiles, Anders s'est porté volontaire pour participer à une expérience unique grâce à laquelle des médecins suédois espèrent réduire le risque de passage à l'acte. Cet homme d'une trentaine d'années, qui témoigne sous un nom d'emprunt, dit n'avoir jamais violenté d'enfant, mais ses "pensées malsaines" l'ont convaincu de se faire aider.
Bloquer la sécrétion de testostérone. À l'Institut Karolinska de Stockholm, les patients du psychiatre Christoffer Rahm testent l'efficacité du Degarelix, un médicament utilisé dans le traitement du cancer de la prostate qui bloque la sécrétion de testostérone, principale hormone sexuelle mâle. "L'objectif est de mettre au point un programme de traitement préventif pour les hommes présentant des troubles pédophiles et qui soit à la fois efficace et toléré, afin d'empêcher les agressions sexuelles sur des enfants", explique le clinicien. La castration chimique est un procédé employé dans la lutte contre la récidive des délinquants sexuels mais jamais à titre préventif, selon lui. "L'originalité de cette étude est qu'elle passe d'une approche réactive à une approche proactive", souligne-t-il.
Placebo. Pour des raisons méthodologiques, éthiques, voire légales, les études cliniques sur la pédophilie sont elles aussi rares. Elles exigent une étroite collaboration entre chercheurs et services de protection de l'enfance. Dans l'essai suédois, la moitié des 60 patients volontaires reçoivent une injection de Degarelix, les autres un placebo. Les premiers verront leur production de testostérone pratiquement annihilée après trois jours, pendant trois mois environ. Ni le médecin ni Anders ne savent donc si ce dernier a reçu une dose de Degarelix ou une substance neutre. Ils le découvriront à la fin de l'essai clinique, dans deux ou trois ans. "J'ai remarqué que mon désir sexuel a dernièrement diminué. Je ne sais pas si c'est grâce au médicament", affirme cependant le cobaye.
Violences sexuelles. Les efforts de prévention sont d'autant plus cruciaux que 80 à 85% des violences sexuelles visant les enfants sont tues, note Stefan Arver qui dirige le Centre d'andrologie et de médecine sexuelle de l'Institut Karolinska. "Nous avons besoin de traitements validés (scientifiquement), basés sur des observations avérées et dont les effets sont prévisibles", analyse-t-il. D'après lui, à peu près 5% de la population nourrit "des pensées et des fantasmes impliquant des enfants dans un contexte sexuel", même si les individus susceptibles de céder à leurs pulsions sont moins nombreux.