Quoi de mieux qu'un fertilisant naturel pour faire pousser ses légumes ? Notre chroniqueuse Fanny Agostoni nous dévoile comment la colère du ciel parvient à donner aux végétaux tout ce dont ils ont besoin pour bien se développer.
Dans la mythologie grecque, Gaia et Ouranos, les divinités primordiales symbolisant le ciel et la terre, sont à l’origine de la naissance des titans. Les titans, êtres gigantesques et possédant une force à toute épreuve, ont façonné le monde avant l’arrivée des dieux. Bien que cette histoire soit inspirée d’un mythe, la vie telle que nous la connaissons est surprenante et, de manière parfois troublante, se rapproche des légendes de nos ancêtres.
Sur Terre, il existe des êtres immenses, capables de résister à la plus forte des tempêtes sans même vaciller un instant. Ces êtres sont les pionniers de la vie, et ont forgé le monde afin que d’autres espèces puissent se développer à leur tour, faisant étrangement écho aux mythiques titans ; ils s’agit des végétaux. Ce sont eux qui ont créé et modifié l’atmosphère, permettant à la vie de se développer, d’évoluer, et de conquérir le monde. Mais d’où ces êtres puisent-ils leur force ? Comme Gaia et Ouranos qui ont engendré les titans, la terre et la ciel fournissent aux végétaux les éléments indispensables à leur existence ; et ce phénomène se produit lors des orages.
Pour que les plantes puissent se développer, elles ont besoin d’un élément fondamental : l’azote. L’azote, symbolisé par la lettre N en chimie, se trouve en quantité abondante dans l’atmosphère qui encercle la planète, puisqu’il en constitue plus de 78% sous forme de diazote (N2) ; c’est-à-dire deux atomes d’azote liés l’un à l’autre. Cependant, il n’est pas accessible à la plupart des végétaux sous cette forme, la liaison étant trop difficile à briser. L’azote atmosphérique est donc inutilisable… jusqu’à ce que les orages entrent en jeu.
En France, la foudre frappe le sol environ un million de fois par an
Lorsqu’un orage se produit, une gigantesque quantité d’énergie déchire le ciel sous forme d’éclairs. Cette énergie, estimée en moyenne à cent millions de volts, échauffe l’air qui atteint des températures proches de 30 000 degrés Celsius, et possède alors la force de scinder le diazote atmosphérique. Les deux atomes enfin libérés vont pouvoir réagir avec l’oxygène (qui représente 20% de la composition de l’air), et former des oxydes d’azote ; molécules désormais utilisables par les plantes.
Ces composés nouvellement formés vont être acheminés vers les sols grâce aux gouttes de pluie qui accompagnent fréquemment les orages, pour ensuite être captés par les racines des végétaux et les aider à se développer. En France, on estime que la foudre frappe le sol un million de fois par an. Dans le monde, c’est plus d’1,2 milliard d’éclairs qui sont recensés chaque année, et chaque éclair à le pouvoir de transformer 7kg de diazote en oxyde d’azote. Les orages jouent donc un rôle primordial dans l’enrichissement des sols en azote et la croissance des végétaux.
Tout est lié dans l'univers
L’histoire ne s’arrête pourtant pas là ; certaines plantes ont développé des mécanismes pour capter l’azote atmosphérique sans attendre l’action des orages. C’est le cas des légumineuses (trèfles blanc ou violet, luzerne, sainfoin…) qui peuvent former des symbioses avec certaines bactéries du genre Rhizobium, capables de fixer le diazote atmosphérique. Les bactéries se nichent au cœur des racines et fournissent l’azote nécessaire à la croissance des plantes, et ces dernières leur procurent en échange une niche écologique ainsi qu’une source de carbone. Pour les autres plantes qui n’ont pas cette capacité symbiotique, elles peuvent néanmoins puiser l’azote libéré lors de la décomposition des végétaux voisins.
Cet exemple nous montre à que tout est lié dans cet univers, et chaque élément qui le constitue fait partie d’un ensemble encore plus grand. Cet équilibre reste cependant particulièrement fragile, et c’est à nous de mesurer les conséquences de chacune des décisions que nous prenons.