Starship, la plus grande fusée du monde, développée par SpaceX pour des voyages vers la Lune et Mars, a explosé en vol peu après son tout premier décollage, mais le patron de l'entreprise spatiale, Elon Musk, a félicité ses équipes et salué un "formidable" premier vol d'essai. Dans une gigantesque boule de feu, ce mastodonte noir et argenté de 120 mètres de haut s'est arraché du sol vers 8h30 locales (13h30 heure locale), sous les cris de joie des employés de SpaceX.
Le théâtre de ce spectacle très attendu était la base spatiale Starbase, située à l'extrême sud du Texas, aux Etats-Unis. "Nous avons réussi à quitter le pas de tir, ce qui honnêtement était tout ce que nous espérions", a déclaré une ingénieure de SpaceX, Kate Tice, lors du direct vidéo de la société. Mais quelques minutes après s'être élevée dans les airs, la fusée a finalement explosé au-dessus de la mer, pour une raison qui reste à déterminer.
FTS abort. Well done Booster 7 (and Ship 24)! That was still a big win. Launch site is fine and got a lot of first stage data!
— Chris Bergin - NSF (@NASASpaceflight) April 20, 2023
Next up, Booster 9!https://t.co/npUj2AHByWpic.twitter.com/KRxBwsLlKq
33 moteurs
Le but de ce test était de récolter un maximum de données pour améliorer les prototypes suivants. "Nous avons beaucoup appris pour le prochain essai de décollage dans quelques mois", a tweeté Elon Musk. Starship est à la fois plus grande que la nouvelle méga-fusée de la Nasa, SLS (98 m), qui s'est envolée pour la première fois en novembre, et que la légendaire Saturn V, la fusée du programme lunaire Apollo (111 m). La poussée au décollage de Starship est aussi environ deux fois plus puissante que ces deux lanceurs - ce qui en fait la plus puissante du monde.
Congrats @SpaceX team on an exciting test launch of Starship!
— Elon Musk (@elonmusk) April 20, 2023
Learned a lot for next test launch in a few months. pic.twitter.com/gswdFut1dK
Elle n'avait encore jamais volé dans sa configuration complète, avec son premier étage surpuissant, appelé Super Heavy et équipé de pas moins de 33 moteurs. Seul le deuxième étage du véhicule, le vaisseau Starship qui donne par extension son nom à la fusée entière, avait effectué des tests suborbitaux (à environ 10 km d'altitude). C'est lui qui a été choisi par la Nasa pour devenir, dans une version modifiée, l'alunisseur de la mission Artémis 3, qui doit ramener des astronautes sur la surface lunaire pour la première fois en plus d'un demi-siècle, officiellement en 2025. Le patron de la Nasa, Bill Nelson, a félicité SpaceX. "Toute grande réussite dans l'Histoire a demandé un certain niveau de risques calculés", a-t-il tweeté, en disant avoir "hâte" du prochain test.
Peu probable d'atteindre l'orbite du premier coup
Jeudi, le plan de vol était le suivant : environ trois minutes après le décollage, Super Heavy devait se détacher et retomber dans les eaux du golfe du Mexique. Mais cette séparation n'a pas eu lieu, la fusée continuant à pivoter avant d'exploser. Si la séparation avait été réussie, le vaisseau Starship devait ensuite allumer ses six moteurs et continuer seul son ascension, jusqu'à plus de 150 km d'altitude, puis retomber dans l'océan Pacifique après un peu moins d'un tour de Terre.
Mais Elon Musk avait tenu à tempérer les attentes, en déclarant qu'atteindre l'orbite du premier coup était peu probable. Il s'était contenté d'espérer que le pas de tir ne soit pas détruit par l'explosion des moteurs de Super Heavy au moment de l'allumage. Lundi, une première tentative de lancement avait été annulée dans les dernières minutes du compte à rebours, à cause d'un problème technique.
Une fusée entièrement réutilisable
La fusée a déjà des clients : le premier vol avec équipage de Starship doit être effectué avec le milliardaire américain Jared Isaacman. Le milliardaire japonais Yusaku Maezawa, et l'Américain Dennis Tito (le premier touriste spatial de l'histoire), ont également dit vouloir embarquer pour un voyage autour de la Lune. Starship doit pouvoir emporter jusqu'à 150 tonnes de chargement en orbite. Mais sa véritable innovation est qu'elle doit être entièrement réutilisable - ce qu'Elon Musk pense réalisable d'ici "deux ou trois ans". A terme, Super Heavy devra revenir se poser contre sa tour de lancement, équipée de deux bras pour l'immobiliser.
Le vaisseau Starship devra, lui, revenir se poser sur Terre à l'aide de rétrofusées. C'est cette manœuvre qui avait été plusieurs fois tentée en 2020 et 2021. Après plusieurs explosions au moment de toucher terre, un prototype avait finalement réussi son atterrissage. L'idée d'un lanceur réutilisable, la grande stratégie d'Elon Musk, est de casser les prix. Chaque vol de Starship pourrait à terme ne coûter que "quelques millions" de dollars, affirme-t-il. Un impératif pour le milliardaire, qui estime que les humains auront besoin de centaines de fusées Starship pour avoir une chance de devenir une espèce multi-planétaire. Son but ultime est l'établissement d'une colonie autonome sur Mars.