Comment défendre le droit à l’IVG ?

Près d'une femme sur trois a bénéficié d'un avortement en France.
Près d'une femme sur trois a bénéficié d'un avortement en France. © MAX PPP
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Anne Le Gall, Damien Brunon et , modifié à
EXCLU E1 - Un rapport préconise notamment de supprimer le délai de réflexion alors que les femmes ont déjà souvent fait leur choix.

L’INFO. Défendre le droit à l’IVG, voilà ce que propose le rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), qu'Europe 1 a pu consulter en exclusivité. Il faut dire que le manque de structures et les discours anti-avortement de certains lobbys menacent ce droit acquis en 1975. Le rapport qui doit être rendu jeudi à Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Droits des femmes, invite ainsi le gouvernement à moderniser une législation qui a peu évolué depuis la loi Veil. L’objectif : protéger un droit dont près d’une femme sur trois bénéficie au cours de sa vie.

Le contexte : Bénéficier d'une IVG, un parcours du combattant. Le droit à l’IVG est un acquis menacé chaque jour en France. 130 établissements de santé pratiquant l’avortement ont fermé ces dix dernières années et l’évolution démographique du personnel médical, notamment le manque de vocation en gynécologie, éloignent les femmes de ce droit. Enfin, si l’acte en lui même est totalement remboursé, les frais médicaux annexes ne le sont pas. Près de la moitié des recommandations du Conseil sont donc destinées à améliorer l’accès à l’IVG.

>> Ecoutez l'interview de Marie-Laure Brival, gynécologue-obstétricienne, chef de service à la Maternité des Lilas :

>> Ce que le rapport préconise. Le rapport balaie donc toutes les problématiques, de la formation des praticiens à la situation précaire des centres d'IVG en passant par l’anonymat et la gratuité des procédures. En voici les principales propositions :

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Idée n°1 : supprimer la clause de conscience. Cette disposition permet aux médecins de refuser une IVG au nom de leurs valeurs mais "depuis 2001 et l'évolution de la loi augmentant le délai d'interruption de grossesse, beaucoup de médecins ont invoqué cette clause de conscience pour ne pas appliquer la loi", a regretté Marie-Laure Brival, gynécologue obstétricienne et chef de service à la maternité des Lilas, en Seine-Saint-Denis, jeudi matin sur Europe 1. Cette clause de conscience, qui s'applique pour tous les actes médicaux, n'est pourtant inscrite dans la loi que dans le cas de l'IVG, souligne celle qui est aussi membre de l'association nationale des centres d'interruption de grossesse. Le rapport propose donc de supprimer cette singularité, même si les médecins pourront toujours invoquer cette clause.

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Idée n°2 : En 1975, Simone Veil, à l’origine de la loi, avait réussi à convaincre les plus sceptiques en ajoutant un délai de réflexion. Dès lors, lorsqu’une femme voulait se faire avorter, elle devait passer par deux rendez-vous dans un délai de sept jours. Le rapport préconise de supprimer cette période de réflexion. “Les acteurs de terrain observent que les femmes ont réfléchi préalablement à la première consultation et que leur choix est dans la plus grande majorité des cas déjà affirmé”, détaille le Conseil. Ce que confirme Marie-Laure Brival : "ce délai de réflexion n'a pas beaucoup de sens en pratique. Pour nous professionnels qui avons une grande habitude de cette problématique, les femmes, quand elles téléphonent pour prendre un rendez-vous dans un centre d'IVG, ont déjà pris leur décision pour 95 à 98% d'entre elles". "Ce sont des personnes autonomes, responsables", souligne-t-elle, dénonçant à demi-mot que les femmes sont encore considérées par certains comme des individus aux limites de la minorité.

Idée n°3 : Remplacer quelques mots du Code de la santé, c’est une autre proposition du Conseil. Jusque là, le droit n’ouvrait en principe la porte de l’IVG qu’aux femmes “dans une situation de détresse”. La réalité étant bien différente désormais, le rapport propose d’évoquer les “femmes qui ne souhaite(nt) pas poursuivre une grossesse”.

Idée n°4 : Il est aussi proposé que l’IVG soit introduite dans les programmes d’études de médecine dès les premières années.

Idée n°5 : Un moratoire sur la fermeture des centres pratiquant l’IVG pourrait être mis en place. L'objectif est de garantir un accès rapide et de proximité à l'IVG, où qu'on se trouve en France. Or le rapport pointe notamment le cas de femmes "obligées de faire 150 kilomètres" et refusées pour cause de files d'attente trop importantes, en raison notamment d'une concentration des centres proposant de pratiquer l'IVG.

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Une idée déjà réalisée : créer un site d'information. Suite aux recommandations du précédent rapport de l'HCEfh, le gouvernement a déjà lancé un site internet dédié à cette question : ivg.gouv.fr. Il s'agit d'une réponse à toute la propagande anti IVG qui pullule en ligne. "Il faut absolument combattre un certain nombre de choses qui ont beaucoup cours sur les sites anti-IVG : c'est les conséquences psychologiques d'une interruption de grossesse", confirme la chef de service à la Maternité des Lilas. "C'est un serpent de mer qu'on ressort régulièrement et qui n'a pas lieu d'être. (...) Il y a des situations, comme n'importe quelle autre situation de vie, où la question du choix reste difficile, qu'il s'agisse de l'IVG ou d'un autre acte de la vie."